Depuis quelques jours, plusieurs articles font état de la transformation en service payant de Canalweb, la télévision interactive créée par Jacques Rosselin. Furieux, le PDG détaille, pour Transfert, les raisons exactes de la mise en place de ce qui sera, en fait, un "abonnement gratuit" à partir d’avril. Sans nier les difficultés financières de sa société.
On lit dans la presse que Canalweb a choisi de devenir une télévision payante par abonnement. Vous démentez. Que se passe-t-il réellement ?
 P-E. Rastoin |
Tout est parti de la mauvaise interprétation d’une journaliste, lors de la conférence de presse que nous avons donnée pour le lancement de Canalweb Lite, le 20 février. En entendant le mot "
abonnement", elle a immédiatement pensé "
payant". Je suis fou furieux, car c’est l’inverse de ce que j’ai dit. La vérité c’est que Canalweb va passer à une politique d’abonnement à partir d’avril, mais ce sera gratuit de chez gratuit. La raison est simple. Aujourd’hui, 50 % des internautes qui se connectent une fois sur Canalweb ne reviennent jamais, car ils n’arrivent pas à installer le logiciel. Cela fait autant d’auditeurs perdus. C’est un peu comme si Canal Plus venait chez vous, jetait le décodeur et les câbles sur votre paillasson et vous laissait vous débrouiller seul. Cette méthode est bonne pour la première génération d’internautes, car elle maîtrisait très bien l’outil informatique. Pas le grand public. C’est pour cela que nous créons un système par lequel les gens s’abonnent et reçoivent un cédérom de connexion à la nouvelle télévision. Mais aujourd’hui, il y a un tel climat sur le Net et dans les médias que si quelqu’un parle d’abonnement, on dit tout de suite qu’il est désespéré et que c’est une honte. Nous sommes une entreprise qui veut gagner de l’argent comme les autres. Nous ferons payer certaines chaînes spécialisées à terme, mais pas tout de suite.
Qu’est ce qu’un modèle d’abonnement gratuit partiellement payant ? C’est un modèle à la Canal Plus, avec une vitrine diffusée en clair et le reste du contenu payant ?
Le modèle de Canal Plus est, en tout cas, un bon modèle. Nous sommes un opérateur de télévision interactive qui diffuse sur Internet, mais notre business model s’inspire de modèles éprouvés dans deux secteurs : la télévision thématique et la presse spécialisée. Nos recettes viennent de la publicité et des abonnements. Ce n’est pas un changement de cap. Quand j’ai rédigé notre business plan à l’automne 1999, il était déjà basé sur l’abonnement, la publicité et le B to B. Le système que nous lançons en avril, c’est du tout gratuit pour constituer une population d’abonnés. Nous allons ensuite tenter des passages au payant sur des événements ponctuels ou des chaînes très spécialisées, par exemple les échecs, la pêche, la moto ou le porno. Aujourd’hui, on peut regarder la télévision sur des téléviseurs et sur des PC. Or nous croyons à une forte hausse des seconds dans le futur. Si je vous dis qu’il y a un bouquet de chaînes alternatives qui fait de la vraie contre-programmation, que je vous en donne une ou deux gratuitement pour que vous en testiez la qualité et que l’abonnement coûte 50 francs par mois, ça peut sûrement vous intéresser.
Vous voulez surtout constituer des fichiers précis sur votre audience...
Nous allons effectivement récupérer des informations précises sur notre audience, constituer un fichier d’abonnés spécialisé et le vendre comme on vend nos pages vues aux annonceurs. Aujourd’hui, nous avons 400 000 visites par mois, ce qui correspond chez nous à environ 250 000 visiteurs uniques. Désormais, nous aurons un fichier de 50 à 60 000 abonnés, mais d’une plus grande valeur parce que ce ne seront pas des zappeurs. On prend le pari de l’abonnement gratuit, même si cela représente fatalement moins de gens. Avec 80 minichaînes sur des thèmes comme le bridge, le turf ou la musique antillaise, il faut être accessible au-delà de la minorité acquise d’internautes aguerris.
On dit que Canalweb va mal. Avez-vous des chiffres qui prouvent le contraire ?
En terme de chiffres d’affaire, je n’ai aucun bon chiffre à donner. C’est comme lorsque j’ai lancé Courrier International, les deux premières années ont été très dures (Jacques Rosselin est l’un des fondateurs de l’hebdomadaire, qui a été racheté par le groupe Havas - NDLR). Nous avons fait dix millions de francs de chiffre d’affaires en 2000. Nous dépensons six à sept millions de francs par mois et employons un peu plus de 100 personnes. La vente d’espaces publicitaires représente 20 % du chiffre d’affaires et le business to business 80 %. Mais nous venons de recruter Jean Luc Viaud, un nouveau directeur commercial qui était le numéro 2 d’Europe Régie, la régie du groupe Lagardère. Et Charlie Nestor, notre nouveau directeur des programmes, va professionnaliser notre grille (co-producteur et présentateur de l’émission "Hit Machine" sur M6 - NDLR).
Avec 130 millions levés en mai et six à sept millions de dépenses mensuelles, il ne doit pas vous rester beaucoup d’argent ?
Quand on veut lancer la télé interactive, on recherche toujours de l’argent, comme dans la presse. Nous avons levé dix, puis 16, puis 130 millions de francs (dernière levée en mai 2000). Nous pensions ensuite entrer en bourse en 2000. Ce n’est plus d’actualité, car la Bourse est fermée pour cause de travaux (rires.) Nous cherchons donc à réaliser un nouveau tour de table au cours de l’année 2001, et pensons arriver à l’équilibre en 2004.