Sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement canadien a annoncé le démantèlement d’un gigantesque fichier électronique de renseignements... portant sur l’ensemble de ses citoyens.
Les Canadiens sont encore sous le choc. Imaginez : leur gouvernement fédéral disposait depuis 1983, via le ministère des Ressources Humaines, d’une énorme banque de données concernant... les 30 millions d’habitants que compte le pays.
Plus terrifiant encore, ce méga-fichier, baptisé "Fichier longitudinal sur la main d’œuvre", contenait jusqu’à 2 000 renseignements par citoyen ! L’existence de ce fichier révélée il y a deux semaines par le Commissariat canadien à la protection de la vie privée, a déclenché une vive polémique outre-Atlantique. Outrés par ce fichage à grande échelle, nombre de Canadiens se sont retournés illico vers le ministère des Ressources Humaines, qui centralisait les précieuses données. "Pour l’instant, nous avons reçu 25 000 demandes de citoyens désirant avoir accès aux informations que le gouvernement fédéral détenait sur eux" soulignait jeudi dernier Daniel Lavoie, porte-parole technique du ministère incriminé.
Comment diable l’administration canadienne a-t-elle pu centraliser une telle masse de données disséminées dans pléthore de services administratifs ? "Le ministère avait développé un logiciel qui permettait de relier des banques de données de l’administration entre elles et d’aiguiller ces informations vers un ordinateur central" poursuit Daniel Lavoie. Résultat : le gouvernement fédéral disposait d’un fichier unique sur chaque citoyen canadien.
Fichiers sous haute surveillance
Dans un premier temps, Jane Stewart, la ministre des Ressources Humaines, s’était bornée à indiquer que ce fichier constituait uniquement un outil de développement économique, destiné à évaluer la viabilité des programmes sociaux mis en place par son ministère. Mais devant la pression des médias et de l’opinion publique, elle a dû faire rapidement machine arrière en annonçant le démantèlement du fichier. "Toutes les versions du logiciel sont effacées" assure-t-elle. Et les renseignements contenus dans le fichier central et stockés dans des bandes magnétiques ont été retournés - via un camion affrété pour l’occasion - aux administrations d’origine.
Fin du premier épisode
À la clef, un nouveau casse-tête pour l’Etat fédéral. Car les banques de données n’étant plus reliées entre elles - le programme informatique a été détruit -, cela va compliquer la tâche du ministère qui doit maintenant répondre aux 25 000 citoyens qui veulent connaître la nature des renseignements que le ministère détenait sur eux : "Pour traiter toutes ces demandes, le ministère devra accéder séparément à chaque banque de données" conclut Daniel Lavoie. Un travail de fourmi. Mais aussi le prix à payer pour le respect de la vie privée. Pour prouver ses bonnes intentions, le ministère s’est par ailleurs engagé à désormais réglementer sa collecte d’informations personnelles, qu’il limitera dans le temps. De quoi rassurer les Canadiens ?
Le Commissariat à la vie privée
http://www.privcom.gc.ca/
Le ministère du Développement des Ressources Humaines
http://www.hrdc-drhc.gc.ca/