K1000, gourou nombril, big bug, bouffons du Web... Derrière
tous ces pseudos se cache Camille Cholain,
auteur-compositeur-plasticien-interprète multimédia.
Portrait d’un solitaire qui, pourtant, ne se définit qu’en
réseau et qui, ce mois-ci, multiplie les événements à Paris.
Le vrai visage duJean-Marc Manach |
mille Cholain n’est pas du genre à
croire aux sirènes de la ""nouvelle
économie"". Son look est d’ailleurs à
mille lieues de celui des ""start-upiens"".
Il s’apparenterait plutôt à la génération des techno-gourous qui
mêlent culture libertaire post-hippie et utopie cyber, cheveux
blancs et catogan en sus. Son site ? Oh, mieux vaut laisser
Camille le définir lui-même : ""Bouffons-du-Web est d’apparence
bordélique mais c’est un gigantesque marché aux puces
esthétique qui se moque des monopoles autant que des réseaux,
de l’arbre autant que du rhizome : il vise ailleurs, dans la beauté,
vers l’inconnu, l’innommable... l’amour aussi."" L’humour enfin :
impossible de pénétrer dans ce labyrinthe sans un minimum de
recul, d’ironie et d’esprit joueur. Ces 400 pages usent et abusent
des liens hypertextes et de notions esthético-""multimerdias""
tellement entremêlés qu’il est quasiment impossible d’en avoir une
vue d’ensemble, sauf à y accéder par quelques index en
l’occurrence cachés ici ou là.
Accro d’impro
Car si Camille Cholain
préfère l’hypermédia
aux hypermarchés,
c’est qu’il se plaît à
retourner dans tous les
sens les concepts et
les tabous de la
société de
l’information, mettant
en ""boucles"", et parfois
en boules, ceux avec
qui il communique. Son
site comprend tout à
la fois une partie érotique (opportunément appelée ""erossite""), de
nombreuses fictions de cyber-marchés, des ""sociétés écrans"" et
des détournements ludiques de tout ce qui fait les charmes et la
mode de l’Internet. ""Mon œuvre se constitue de réseaux, entre
autres ; ma vie est celle d’un électron libre qui se cherche
désespérément des... complices"", dit-il. Hédoniste et beau
parleur, ce ""bouffon"" aime les gens mais regrette le trop plein de
solitude que génère le Réseau. Camille se plaît pourtant à
dérouter : il suffit de lire ses forums et la somme d’e-mails où il se
plaît à refaire le monde (et l’art avec), pour s’en faire une idée.
L’artiste aime les mots, les jeux d’esprit, et en use à foison ; il a
aussi écrit plus d’une dizaine de romans, recueils de poésie et
livres-objets, témoins d’une histoire complexe, foisonnante et
littéralement ""multi-média"" qui a commencé voilà plus de 20 ans.
En 1968, Camille a 17 ans et, ""tête de classe"" issu d’une famille
bourgeoise et catholique, défile pour de Gaulle. Mais la vague de
68 le jette dans une ""quête éperdue du réel et une vie en zigzag
au service de la constitution d’un “double” : une œuvre d’art "". Il
prend alors le large et passe son bac (A4, mention bien) au Mans,
étudie le droit à Sarrebruck, les lettres modernes et le théâtre à
Paris III, l’électricité en bâtiment à Carcassonne. En 1978, il fait
partie de la compagnie Bernard Lubat et se met au free jazz, au
chant et au théâtre. Aujourd’hui encore, toujours accro d’impro,
Camille aime tout particulièrement intervenir lors des rencontres
et débats publics muni d’une ""cyber-jambe"" où l’on peut lire l’URL
de son site et d’un casque bleu à l’enseigne de l’AME, pour Angle
Mort Entreprise, l’un de ses (très) nombreux concepts
esthétiques (voir son index de la pensée bouffonne.)
Une carotte en guise de portable
Pour se faire une idée plus précise de ses interventions, rien ne
vaut les chorégraphies de Maria Faustino, qui fait régulièrement
appel à lui en tant que ""perturbacteur"". Sous des airs (habituels
pour ceux qui le connaissent) de dilettante je-m’en-foutiste, mal
fagoté et passe-partout, il s’était ainsi produit au Tipi de
Beaubourg : assis dans le public, il se levait au beau milieu du
spectacle avec une carotte qui lui servait de téléphone portable,
avant de finir par un pseudo strip-tease...
Poète, écrivain, plasticien, sculpteur, photographe, vidéaste,
chanteur... ce touche-à-tout cache une âme de grand
ordonnateur du chaos, et c’est en entrant dans son appartement
du VIIème arrondissement que l’on perçoit vraiment la démesure
du personnage. Il l’a en effet recouvert de fond en comble de
""consoles littéraires"", installations faites de bric et de broc
transformant ce 3 pièces cuisine en un parfait petit musée (ou
boxon, c’est selon). Camille invitait d’ailleurs à le découvrir
chaque week-end du mois de mars à l’occasion de son
""blanchiment bouffons"", exposition manifeste réunissant plusieurs
de ses amis artistes pour des actions, rencontres, lectures et
projections chez lui et dans les cafés environnants. Objectif ?
Liquider son stock d’œuvres contre argent sonnant et trébuchant
ou tout autre objet d’échanges, sinon de valeurs, et surtout faire
tourner le réseau, voire créer un front culturel multimédia, avec
cette question : ""Pourquoi le culturel est-il si mou et
l’économique si agressif ?""