27/03/2000 • 15h32
Camille Cholain, artiste total et poète ”multimerdia”
K1000, gourou nombril, big bug, bouffons du Web... Derrière tous ces pseudos se cache Camille Cholain, auteur-compositeur-plasticien-interprète multimédia. Portrait d’un solitaire qui, pourtant, ne se définit qu’en réseau et qui, ce mois-ci, multiplie les événements à Paris.
Camille
Cholain n’est pas du genre à croire
aux sirènes de la "nouvelle économie".
Son look est d’ailleurs à mille lieues
de celui des "start-upiens". Il s’apparenterait
plutôt à la génération
des techno-gourous qui mêlent culture libertaire
post-hippie et utopie cyber, cheveux blancs et catogan
en sus. Son site ? Oh, mieux vaut laisser Camille
le définir lui-même : "Bouffons-du-Web
est d’apparence bordélique mais c’est
un gigantesque marché aux puces esthétique
qui se moque des monopoles autant que des réseaux,
de l’arbre autant que du rhizome : il vise ailleurs,
dans la beauté, vers l’inconnu, l’innommable...
l’amour aussi." L’humour enfin : impossible
de pénétrer dans ce labyrinthe sans
un minimum de recul, d’ironie et d’esprit
joueur. Ces 400 pages usent et abusent des liens hypertextes
et de notions esthético-"multimerdias"
tellement entremêlés qu’il est quasiment
impossible d’en avoir une vue d’ensemble,
sauf à y accéder par quelques index
en l’occurrence cachés ici
ou là.
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Le
vrai visage du "cyber-bouffon",
dans son appartement.
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Accro
d’impro
Car
si Camille Cholain préfère l’hypermédia
aux hypermarchés, c’est qu’il se plaît
à retourner dans tous les sens les concepts
et les tabous de la société de l’information,
mettant en "boucles", et parfois
en boules, ceux avec qui il communique. Son site comprend
tout à la fois une partie érotique (opportunément
appelée "erossite"), de nombreuses
fictions de cyber-marchés, des "sociétés
écrans" et des détournements ludiques
de tout ce qui fait les charmes et la mode de l’Internet.
"Mon œuvre se constitue de réseaux,
entre autres ; ma vie est celle d’un électron
libre qui se cherche désespérément
des... complices", dit-il. Hédoniste
et beau parleur, ce "bouffon" aime les gens
mais regrette le trop plein de solitude que génère
le Réseau. Camille se plaît pourtant
à dérouter : il suffit de lire ses forums
et la somme d’e-mails où il se plaît
à refaire le monde (et l’art avec), pour
s’en faire une idée. L’artiste aime
les mots, les jeux d’esprit, et en use à
foison ; il a aussi écrit plus d’une dizaine
de romans, recueils de poésie et livres-objets,
témoins d’une histoire complexe, foisonnante
et littéralement "multi-média"
qui a commencé voilà plus de 20 ans.
En 1968, Camille a 17 ans et, "tête de
classe" issu d’une famille bourgeoise et
catholique, défile pour de Gaulle. Mais la
vague de 68 le jette dans une "quête
éperdue du réel et une vie en zigzag
au service de la constitution d’un “double” :
une œuvre d’art ". Il prend alors le
large et passe son bac (A4, mention bien) au Mans,
étudie le droit à Sarrebruck, les lettres
modernes et le théâtre à Paris
III, l’électricité en bâtiment
à Carcassonne. En 1978, il fait partie de la
compagnie Bernard Lubat et se met au free jazz, au
chant et au théâtre. Aujourd’hui
encore, toujours accro d’impro, Camille aime
tout particulièrement intervenir lors des rencontres
et débats publics muni d’une "cyber-jambe"
où l’on peut lire l’URL de son site et
d’un casque bleu à l’enseigne de
l’AME, pour Angle Mort Entreprise, l’un
de ses (très) nombreux concepts esthétiques
(voir son index
de la pensée bouffonne.)
Une carotte en guise de portable
Pour
se faire une idée plus précise de ses
interventions, rien ne vaut les chorégraphies
de Maria Faustino, qui fait régulièrement
appel à lui en tant que "perturbacteur".
Sous des airs (habituels pour ceux qui le connaissent)
de dilettante je-m’en-foutiste, mal fagoté
et passe-partout, il s’était ainsi produit
au Tipi de Beaubourg : assis dans le public, il se
levait au beau milieu du spectacle avec une carotte
qui lui servait de téléphone portable,
avant de finir par un pseudo strip-tease...
Poète,
écrivain, plasticien, sculpteur, photographe,
vidéaste, chanteur... ce touche-à-tout
cache une âme de grand ordonnateur du chaos,
et c’est en entrant dans son appartement du VIIème
arrondissement que l’on perçoit vraiment la
démesure du personnage. Il l’a en effet recouvert
de fond en comble de "consoles littéraires",
installations faites de bric et de broc transformant
ce 3 pièces cuisine en un parfait petit musée
(ou boxon, c’est selon). Camille invitait d’ailleurs
à le découvrir chaque week-end du mois
de mars à l’occasion de son "blanchiment
bouffons", exposition manifeste réunissant
plusieurs de ses amis artistes pour des actions, rencontres,
lectures et projections chez lui et dans les cafés
environnants. Objectif ? Liquider son stock d’œuvres
contre argent sonnant et trébuchant ou tout
autre objet d’échanges, sinon de valeurs,
et surtout faire tourner le réseau, voire créer
un front culturel multimédia, avec cette question
: "Pourquoi le culturel est-il si mou et l’économique
si agressif ?"
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