Clermont-Ferrand accueille depuis 16 ans Vidéoformes, festival des arts de la vidéo et du multimédia. Du 13 au 18 mars, installations, performances, projections et scène électronique investissent la capitale du Massif central. Les expositions, elles, seront présentes jusqu’en avril. Interview d’un des fondateurs et actuel Président Gabriel Soucheyre.
Un festival d’art vidéo à Clermont-Ferrand, c’est risqué ?
D’une certaine manière, oui : faire de l’art contemporain à Clermont, ce n’est pas simple. Au début, du moins. Mais la manifestation existe depuis 16 ans et, petit à petit, le public s’est formé. Il a appris à aimer et à être sensible à l’art contemporain. Pendant des années, nous avons investi la rue et les commerces avec des installations ou des expositions multimédias. Pour que ça s’inscrive dans le parcours des habitants de Clermont-Ferrand. Nous menons également un travail avec les jeunes, nous leur proposons des programmes adaptés. Et ils peuvent également devenir acteurs, en réalisant "une minute" de vidéo. Sans aucune autre contrainte que celle du temps. Cette année, on a reçu 30 cassettes. Nous allons toutes les projeter, puis un comité de sélection attribuera les prix. Je ne les ai pas encore visionnées, mais l’année dernière par exemple, c’était très divers : ça allait du film léché et académique à des choses très expérimentales.
D’autres manifestations tournent autour de l’art et des technologies. Quelle est la particularité de votre festival ?
Nous ne sommes pas devenus une institution. Nous avons peu de moyens et c’est de cette faiblesse que nous tirons nos richesses : des relations très privilégiées avec le monde artistique. Je crois que les artistes se plaisent chez nous. L’envers du décor, c’est le manque de fonds. Chaque année, c’est une guerre de tranchées. L’...tat nous soutient assez bien. En revanche, la ville n’est pas trop investie dans le projet.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement plu dans la sélection 2001 ?
Il y aura une nuit des arts électroniques. Pendant cette nuit, nous allons projeter une œuvre très particulière. Vous connaissez Finnegans Wake, c’est un roman de James Joyce, un monument de la littérature, un truc monstrueux à lire, sans aucune ponctuation. Deux artistes, Michael Kvium & Christian Lemmerz, en ont tiré un poème visuel de huit heures. Il y a différentes façons d’utiliser un tel matériel. Soit on s’installe et on mate pendant huit heures, soit on considère que c’est un papier peint, soit on s’en sert comme d’un support pour une performance. Nous avons choisi de l’utiliser comme du papier peint. Moi, ça m’a particulièrement intéressé car ça fait longtemps que je rêve d’un papier peint qui bouge. Toute la nuit, le film va passer, comme une toile de fond. Plus tard, mais c’est un autre projet, j’aimerais bien que des DJ improvisent sur ces images. J’aime aussi que la rue soit investie par l’art contemporain. L’an dernier, un homme-sandwich se baladait dans les rues, avec des vidéos diffusées sur lui-même. Cette année, trois artistes vont projeter des images sur les murs de la ville chaque soir, à la nuit tombée.
Après 16 ans de festival, vous n’êtes pas lassé ?
Bizarrement non. Bizarrement car, comme beaucoup de monde, je marche par cycles. Moi, ce sont des cycles de sept ans. Ce festival est donc une exception, mais je crois qu’il a suffisamment évolué pour que ça ne me lasse pas. Et puis, on a monté plusieurs projets autres : une revue trimestrielle, Turbulences, consacrée au Vidéo art, une galerie indépendante, l’Art du temps. En septembre dernier, on a lancé une télé sur le Web. Elle s’appelle aussi Turbulences, on y trouve des interviews vidéo d’artistes contemporains. Pour l’instant, je m’en occupe, mais je suis en train de former des gens pour passer le flambeau. L’idée est d’utiliser Internet pas seulement comme un support artistique mais aussi comme un support de communication et d’information.
Et vos projets ?
Nous voulons lancer un espace de création. Juste à côté de notre galerie à Clermont-Ferrand, il y a une friche industrielle, c’est cet espace que nous aimerions utiliser. Pour accueillir des artistes en résidence, organiser des expos plus grandes. La mairie envisage de nous y installer, mais rien n’est sûr. C’est important de créer des lieux pour que les formes émergentes de création aient des lieux où s’exprimer, expérimenter et dire ce qu’elles ont à dire.