7/01/2000 • 18h41
Business lover
Patrick Robin, président d’Imaginet, est l’un des pionniers du Net français. Il n’est pas pour autant blasé : il a récemment investi dans plusieurs start-ups et rêve de monter la première fondation de business angels. Portrait.
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®Julie
Krassovsky / Transfert
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"Aujourdhui,
lun des derniers terrains daventure, cest
la création dentreprises." Décontracté
dans son fauteuil de PDG, Patrick Robin suce des bonbons
à la menthe et discute Web avec le calme et
la sérénité du boss bien dans
ses baskets. Petite moustache et bouc branché,
cheveux poivre et sel, la quarantaine confortable,
Patrick Robin cultive un look résolument mode,
voire "tendance" : en jean mais avec un
pardessus super classe, en veste de cuir mais avec
un pantalon de costard
Satisfait sans être
suffisant, il garde, en tout cas, la même pêche
quà ses débuts. Pour lui, tout
a commencé en 1994. Cette année-là,
lors dune virée avec des potes au Milia
(forum annuel des entreprises de nouvelles technologies),
il découvre lexistence du CDRom. À
lépoque, il est encore éditeur
de livres dart et de magazines mode. Lune
de ses publications, Photo Revue, innove avec un contenu
assez branché. On y parle de clips vidéo,
de pub (son dada) et les couvertures, plus quattrayantes,
dévoilent des photos de mannequins disons...
assez dévêtues. "Un peu sexy",
corrige Patrick Robin. Mais, après huit ans
passés dans lédition, le dynamique
boss pressent que la photo de mode ne sera pas le
loisir de demain. Il comprend que les CD représentent
un marché bien plus innovant : il lance CD-Média
et Internet reporter, deux mag avec des versions en
ligne.
Gros souci : lInternet nen est encore,
en France, quà ses balbutiements et laccès
demeure payant. La connexion est horriblement chère...
Patrick Robin a lidée de proposer lui-même
un accès abordable au Web. En 1995, il monte
Imaginet, lun des premiers fournisseurs d’accès
français, et fait ses débuts sur le
Réseau avec une offre alléchante : un
abonnement de 150 francs pour 50 heures passées
sur la Toile. Le succès, quasi immédiat,
est si foudroyant que la petite boîte est, dès
1998, rachetée par un gros opérateur
: pour 150 millions de francs, Colt Télécom
met la main sur Imaginet dont Patrick Robin reste
le président. Une vraie success story à
la française
Relation presque amoureuse
Loin dêtre rassasié par sa réussite,
lhomme daffaires a conservé un
grand amour pour le business. Tout en développant
son métier de provider, il maintient son activité
d’édition, monte la première régie
publicitaire sur Internet (Regie On Line), et créé
Virtual Expérience (une société
de jeux vidéo dont il avoue léchec)
Aujourdhui, Patrick Robin ne monte plus dentreprises
en son nom, mais continue à mettre son nez
dans tout un tas de projets. "Ce nest
pas lié à largent, cest
une passion. Dailleurs javais négocié
avec Colt quau-delà de mon rôle
dans Imaginet, je pourrais continuer à investir
dans des start-ups." Ces quatre derniers
mois, il a misé près de 6 millions de
francs sur sept jeunes sociétés françaises.
De Magique-emilie.com,
un site de contenu consacré aux jeunes parents,
à Canalfood.com
(vente d’aliments en ligne) ou encore laventis.com
(moteur de comparaison de prix), on laura compris,
ses faveurs vont à l’Internet. "Je
ne mengage que sur des boîtes proposant
des sites ou des technologies Web, car cest
le secteur où je pense valoir quelque chose."
Dailleurs, il ne manque pas de tester régulièrement
les pages quil finance. Quand il ne se fournit
pas en charcuterie corse via le Web, il compare le
prix de ses achats sur Laventis.com. Nulle question
de surveiller ses protégés, Patrick
Robin préfère les entourer dattentions.
Il se revendique plutôt "business lover"
que business angel. "Le terme de business
angel na plus le même sens quà
lépoque où ça a démarré
aux ...tats-Unis. Aujourdhui, je vois beaucoup
de gens qui investissent leurs économies dans
lInternet en pensant faire fortune. Mais leur
démarche équivaut à un placement
de père de famille, ça na rien
à voir avec une action de business angel."
Linvestissement façon livret de caisse
dépargne nest vraiment pas son
genre, dit-il. Il préfère entretenir
une relation presque amoureuse avec les fondateurs
des entreprises avec lesquelles il collabore. "Pour
investir dans une start-up, il faut avoir un petit
peu de flair, de psychologie, ou alors bien connaître
ce business. Tout le monde, aujourdhui, est
en pleine euphorie, mais toutes les start-ups qui
lèvent de largent ne seront pas des success
story. Je pense quil y aura de la casse."
Pessimiste Patrick Robin ? Lucide, tout au plus, dit-il.
Fondation de business angels
Patrick Robin cultive ses rêves et ses projets
avec une certaine nostalgie : "Jai fait
partie des gens qui pensaient que lInternet
allait vraiment changer des choses dans la relation
entre les gens, dans la relation au pouvoir, redonner
le pouvoir à lindividu. Aujourdhui,
Internet a au moins redonné la parole au consommateur.
Ce nest déjà pas si mal
"
Concilier une vision, quil qualifie lui-même
d"utopiste", avec une activité
commerciale sur le Net ne le dérange pas outre
mesure. Le Web est pour lui un outil formidable de
marketing en ligne, mais ne doit pas pour autant se
limiter à cet aspect. Un brin mélancolique,
il ajoute : "Il y a quelques années,
Internet était une sorte de vaste cour de récréation,
cétait un joyeux bordel. Mais si le Web
nétait resté que ça, cela
naurait pas fait avancer les choses. Il faut
trouver un équilibre." Patrick Robin
nourri, depuis peu, lespoir de monter une fondation
à laquelle cotiseraient les gens qui ont fait
fortune sur le Net. Une sorte dassociation de
business angels qui, tous, apporteraient leurs contributions
à des projets à vocation non commerciale.
Un doux rêve qui commence à prendre forme
puisque le PDG dImaginet fait depuis quelque
temps la tournée des pontes du milieu. "Toutes
les personnes que jai rencontrées mont
réservé un excellent accueil. Je pense
monter un tour de table prochainement." Si
ses projets aboutissent, il faudra bientôt compter
avec une nouvelle catégorie dinvestisseurs
du Net : les charity angels
Liens de l’article :
http://www.imaginet.fr
http://www.magique-emilie.com
http://www.canalfood.com
http://www.laventis.com
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