La semaine dernière, on apprenait que le vote du Parlement européen sur le projet de directive visant à établir une brevetabilité du logiciel en Europe avait été avancé au 30 juin. Cette annonce avait déclenché une vague de panique parmi les opposants à ce texte, qui craignaient un "passage en force" sur un dossier complexe et polémique. Après une semaine de chassés-croisés entre les deux camps, l’examen de la directive en séance plénière est finalement repoussé au 1er septembre. La lutte continue.
Le 20 juin dernier, on apprenait que le vote de la directive par le Parlement, initialement prévu en septembre, avait été déplacé au lundi 30 juin sur proposition d’Arlene McCarthy, le rapporteur de la Commission juridique du Parlement européen. Cette eurodéputé anglaise, grande partisane de la brevetabilité appliquée au logiciel, voyait une opportunité dans le fait de faire voter le texte très rapidement, seulement 12 jours après qu’elle ait rendu son rapport de recommandation, très favorable à la directive (lire notre article précédent).
Changement de climat
Les opposants au principe de brevetabilité, regroupant acteurs et PME du secteur, défenseurs du logiciel libre et personnalités politiques, pris de cours, avaient alors entamé une course de vitesse pour faire déplacer le vote ou au moins tenter d’alerter les parlementaires sur les méfaits qu’entraînerait la directive : frein à l’innovation et création d’une situation oligopolistique favorisant les grandes sociétés par rapport aux PME dépourvues de moyens financiers et juridiques.
"A partir de mercredi 25 juin, on a commencé à sentir un changement de climat, explique dans un communiqué Hartmut Pilch, président de la Foundation for a free information infrastructure (FFII), une association d’acteurs du secteur logiciel basée en Allemagne qui combat la directive. De plus en plus de députés ont commencé à dire qu’ils souhaitaient rédiger et déposer des amendements. Les rumeurs disaient que le calendrier ne pourrait être tenu." Celui-ci a finalement été modifié officiellement le 26 juin en fin d’après-midi, après que les secrétaires généraux des différents partis puis la conférence des présidents de groupes se soient réunis.
"Nous avons maintenant trois semaines de session parlementaire supplémentaires pour alerter les gens de l’enjeu", se félicite Hartmut Pilch, qui était auparavant pessimiste sur la possibilité de convaincre les parlementaires à temps, de sorte d’infléchir le vote.
Seconde chance
Au niveau européen, les parlementaires de différents pays ne sont pas également mobilisés sur ce dossier. Les Français sont très actifs, via les Verts et les socialistes dont Michel Rocard, président de la Commission Culture du Parlement européen. Les socialistes allemands semblent eux plus divisés, certains ayant appuyé le déplacement du vote au 30 juin. Selon les opposants à la directive, les Anglais pourraient quant à eux être plus présents. L’eurodéputé anglaise Arlene McCarthy, issue du parti travailliste de Tony Blair, a en effet été félicitée par les conservateurs, ce qui pourrait donner un levier médiatique intéressant en période pré-électorale.
Hartmut Pilch, dont la fondation a participé à la pétition Eurolinux, créditée de 150 000 signatures au niveau européen, voit dans l’obtention de ce délai inattendu un succès et une chance : "Avec les fortes pressions qui s’exercent sur les institutions européennes, on pourrait penser que seuls les lobbies des entreprises à gros moyens seraient entendues, mais notre expérience montre que les efforts de terrain, l’opinion publique et un peu de coordination peuvent tout de même faire avancer les intérêts de la majorité, au moins dans des cas aussi évidents..."
Dans le camp des adversaires à la directive, l’heure n’est pourtant pas au triomphalisme, loin s’en faut. Ayant évité la "catastrophe", il appelle maintenant les citoyens et les acteurs du secteur du logiciel européen à alerter leurs parlementaires respectifs. Ceux-ci devront encore se plonger dans un texte extrêmement technique pour rédiger et faire adopter des amendements limitant effectivement le domaine de la brevetabilité, ce que les commissions Culture et Industrie du Parlement, consultées par la Commission juridique, n’ont pas réussi.
Brevetabilité logicielle: le vote du Parlement européen avancé au 30 juin (Transfert.net):
http://www.transfert.net/ecrire/a9011
Brevetabilité du logiciel: dernière ligne droite (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8917
"Le brevet logiciel est une insulte au principe même du libre échange" (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8989
Le site de la pétition Eurolinux:
http://petition.eurolinux.org/index_html
La page des "moyens d’action" avant le vote sur Brevets-Logiciels.info:
http://brevets-logiciels.info/wiki/...