Le Québec est devenu l’un des principaux pôles mondiaux des biotechnologies. Grâce, notamment, aux incitations mises en place par les pouvoirs publics. Un modèle qui donne des idées à France Biotech, le lobby français du secteur.
Aujourd’hui, le Québec draine 45 % des investissements du capital-risque canadien, contre à peine 10 % en 1980. En 2000, les biotechnologies y ont récolté plus d’un milliard de francs, soit 17 % du total des sommes investies. Désormais, la région de Montréal héberge environ 145 entreprises de biotechnologies, représentant 65 centres de recherche et développement et près de 15 000 emplois dont 6 000 chercheurs, ce qui la place en troisième position derrière la région de New York et celle de Philadelphie. Comment cette montée en puissance a-t-elle pu se produire ?
Au cours d’une rencontre organisée mardi 11 décembre par l’association France Biotech, qui promeut l’essor des biotechnologies françaises, le directeur général de Laval Technopole (organisme responsable du développement économique de la ville québécoise de Laval), Pierre Belanger, a exposé la recette de cuisine canadienne. " Les politiques publiques en faveur du secteur ont joué un rôle important. L’Etat a incité à une forte implication des universités, mis en place des dispositifs fiscaux incitatifs et créé des fonds d’amorçage pour favoriser le décollage de jeunes entreprises ", résume-t-il.
Cocktail vitaminé
Pour l’amorçage, les autorités québécoises se sont appuyées sur la Caisse des dépôts et placements du Québec (CDPQ), l’équivalent de la Caisse des dépôts et consignations en France. Mais à la différence de la CDC, qui ne gère en matière de biotechnologies que le fonds BioAm, la CDPQ a créé plusieurs fonds (T2C2, Sofinov, Accès Capital...).
Du côté de la fiscalité, le Québec a, par ailleurs, mené une politique très agressive, essentiellement par le biais d’importants crédits d’impôts (40 % des montants investis) pour encourager les investissements, les embauches et les dépenses de Recherche et Développement. Plus récemment, dans le cadre de la nouvelle Cité de la Biotech (un parc scientifique basé à Laval), ces crédits d’impôts ont été étendus aux dépenses engendrées par les activités de fabrication et de commercialisation des produits issus de la recherche en biotechnologies. Une mesure qui fait saliver Philippe Pouletty, président de France Biotech.
En outre, pour attirer les talents, le Québec octroie un "congé fiscal" (en clair, une dispense d’impôts sur le revenu) pendant cinq ans aux chercheurs étrangers qui viennent s’installer sur son territoire. " C’est tout à fait normal, c’est une preuve de pragmatisme ", applaudit encore Philippe Pouletty, dont l’association milite en faveur d’une mesure similaire en France. Mais le sujet est sensible car il remet en question le principe de l’égalité devant l’impôt. Le gouvernement français, jusqu’à présent, n’a donc pas retenu une telle proposition.
Les pistes françaises
Mais France Biotech semble bien décidée à persévérer dans son combat. " Pour parvenir au premier rang européen pour les biotechnologies d’ici cinq ans, nous avons estimé à 4 milliards d’euros le besoin en soutien, direct ou indirect, de la part des pouvoirs publics sur la période 2003-2006 ", martèle Philippe Pouletty. Il réclame donc un statut spécial, assorti d’incitations fiscales, pour les jeunes entreprises innovantes ayant moins de 18 ans d’existence. Par ailleurs, France Biotech plaide en faveur d’une participation de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) à l’investissement dans les biotechnologies à travers des fonds spécialisés. À hauteur de 1 % de ses ressources..." La CNAM est l’organisme consacré à la santé, il sera donc logique qu’il consacre une part de ses moyens à la santé de demain ", argumente Philippe Pouletty. L’idée a retenu l’attention du ministre de l’Economie Laurent Fabius et celle de Christian Pierret, le secrétaire d’Etat à l’Industrie, " favorable à titre personnel ".
Si le gouvernement, après un premier cadeau de 70 millions d’euros, continuait à se montrer bien disposé à l’égard des biotechnologies, la France pourrait bientôt, qui sait, aller marcher sur les plates-bandes de ses cousins québécois.