Enki Bilal, auteur célébré de bandes dessinées (grand prix du festival d’Angoulême en 1987) va diriger, au cinéma, une adaptation très libre de son œuvre mythologico-futuriste : la Trilogie Nikopol. Le résultat prendra le titre du deuxième opus de cette série : La Femme Piège. Attention, il ne s’agit pas d’un simple film, mais d’un long-métrage plongeant quelques acteurs réels au milieu de personnages virtuels et de décors intégralement réalisés en images de synthèse. "La distribution comprendra quatre acteurs, une quinzaine de personnages virtuels précisément définis et une multitude d’autres qui apparaîtront dans les scènes de foule", précise Hervé Le Coz, directeur général de Duboi, la société qui fabriquera le long-métrage. Deux têtes d’affiche auraient donné leur accord de principe : John Malkovich et Charlotte Rampling. Reste que des problèmes de disponibilité pourraient les empêcher de participer à l’aventure. En outre, The Woman Trap (le titre du film en anglais) pourrait voir l’ex-Miss France, Linda Hardy, faire ses débuts au cinéma, dans la peau de l’héroïne Jill Bioskop.
Duran Duboi veut concurrencer Pixar et Dreamworks
Ce projet un peu fou est né de la rencontre entre Enki Bilal et Pascal Hérold, dirigeant de Duran Duboi (la maison-mère de Duboi), groupe spécialisé dans la post-production pour le cinéma et la télévision, présent dans l’animation via sa filiale Mendel. "L’univers de Bilal se prête bien à une adaptation en film d’animation. Mais Enki Bilal est un contemplatif et ses premières expériences au cinéma [Bunker Palace Hôtel et Tykho Moon, NDLR] pêchent par leur manque de tonicité. Nous avons densifié le scénario pour obtenir 85 minutes bien rythmées", raconte Pascal Hérold, qui se voit déjà concurrencer les géants américains Pixar (Toy Story 1 et 2, Mille et une pattes) et Dreamworks (FourmiZ, Chicken Run, Le prince d’Egypte...). Pour produire ce long-métrage, Pascal Hérold a fait appel à Charles Gassot, président de la société de production Téléma (Le goût des autres, La vie est un long fleuve tranquille, etc.). "Duran Duboi ne sera que fabriquant de ce film, car chaque minute coûte environ 900 000 francs. Pour un long-métrage, il faut un budget de production colossal", explique Pascal Hérold. Pour trouver les financements nécessaires, des premiers essais ont été réalisés. Le plus abouti est une bande-annonce d’un peu plus d’une minute mêlant un personnage réel (interprété par l’ex-Miss France Linda Hardy) et un chauffeur virtuel de taxi aérien circulant dans une ville futuriste. Esthétiquement, ce court extrait est impressionnant.
130 millions de francs de budget
Si ce pilote ne permet pas encore d’estimer la solidité de l’ensemble du scénario du film, il a suffi à convaincre Patrick Le Lay, président de TF1. Via sa filiale TF1 International, il coproduira le film aux côtés de Telema (dont TF1 détient en outre 49 %), avec un budget de 130 millions de francs. Ce teaser a également remporté beaucoup de succès à Cannes, où quelques projections privées ont été organisées pour un public de professionnels dans le but de pré-vendre le film. Le bouquet satellite TPS s’est ainsi engagé dans le projet. Mais il faudra patienter encore longtemps, puisque la fabrication de La Femme Piège va mobiliser 70 infographistes pendant près de deux ans. Sa sortie en salle n’est donc pas prévue avant mai 2003.
La Femme Piège : les secrets de fabrication
Le film, qui durera 85 minutes, mélangera personnages réels, acteurs virtuels et décors en images de synthèse. Pour Duran Duboi, la société qui le fabrique, c’est aussi un test de ses compétences techniques.
Le budget de production de La Femme Piège s’élève à 130 millions de francs, dont environ 80 millions devraient être consacrés à sa fabrication. Une somme rondelette qui, néanmoins, ne rivalise pas avec les budgets des films de Pixar ou Dreamworks. "Avec les moyens dont ils disposent, ils peuvent se permettre de préparer une version en deux dimensions avant de passer à trois dimensions, et mettent donc quatre à cinq ans pour fabriquer un film. Grâce à notre outil Mendel StoryBoarder, nous évitons cette étape coûteuse et fastidieuse sans perdre en qualité. En effet, Mendel StoryBoarder nous permet de valider chaque scène - plans, mouvements de caméra, etc. - en trois dimensions, en basse définition, avant de les créer en haute définition", vante Hervé Le Coz, qui chapote la fabrication chez Duboi.
Mélanger les acteurs aux décors et personnages virtuels
Pour cette transition vers l’image haute déf’, les acteurs réels joueront devant un fond uni. Leur image sera ensuite incrustée dans des décors et parmi des personnages en images de synthèse. Ces composantes virtuelles seront fabriquées selon la technique du key frame (image par image) ou du motion capture (des doublures équipées de capteurs jouent le rôle des personnages virtuels, ce qui permet de retranscrire les mouvements avec réalisme).
Pour mener à bien ce travail colossal, environ 70 infographistes sont en cours de recrutement. Grâce à des petites annonces placées dans la presse spécialisée, Duran Duboi a déjà drainé plus de 400 candidatures ! "Y compris de spécialistes qui travaillent chez Pixar et Dreamworks", se réjouit Hervé Le Coz. L’équipe, qui s’installera dans l’un des studios de Duboi, à Issy-les-Moulineaux, devrait commencer à travailler dès le 1er juin. Le démarrage a été légèrement retardé, l’équipe devrait être en place au mois de décembre.
Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour tenir la promesse d’une sortie au printemps 2003. Or, cette échéance a son importance, car les porteurs de ce projet ambitieux rêve de le voir projeté en ouverture du cinquante-cinquième Festival de Cannes.