Atteindre la vitesse du son sous l’eau, Russes et Américains y travaillent sans relâche. Le 25 août prochain, les seconds tireront un projectile filant à près de 5 400 km/h...
La guerre froide reprend des couleurs. Russes et Américains se livrent actuellement une concurrence effrénée sur un domaine aux multiples applications militaires : atteindre la vitesse du son... sous l’eau. A priori l’avantage est aux Américains. Le 25 août, sur la base de la prestigieuse Naval Undersea Warfare Center, près de Newport, ils procèderont au lancement d’un projectile qui filera à plus de 5 400 km/h sous l’eau. Soit la vitesse du son dans l’eau, elle-même quatre fois supérieure à celle du son dans l’air. Cette grosse balle de 2 cm de diamètre sera tirée d’un hélicoptère surplombant l’océan à plus de 300 mètres. Elle traversera une couche d’eau de 12 mètres avant de détruire un ersatz de mine sous-marine. "
Il s’agit pour la balle de traverser un mur d’acier [passage de l’air dans l’eau, ndlr]
et de conserver une énergie cinétique suffisante pour provoquer l’explosion de la mine", explique Doug Todoroff, le responsable du projet.
Supercavitation
Sans des engins hyper véloces dans l’eau, cette prouesse serait irréalisable. Le principe utilisé dans l’expérience du NUWC est celui de la supercavitation (voir l’animation). Le phénomène est connu depuis Newton (1687), mais son application date des années 90, avec la mise au point par les Russes du "Shqval" (requin), une torpille filant à plus de 500 km/h. Réaction américaine en 1997 : une balle supercavitante tirée d’un canon sous-marin casse le mur du son dans l’eau : 5 400 km/h ! Mais le projectile est à l’époque impossible à contrôler.
Des enjeux colossaux
Outre un joli coup de pub estival, l’expérience du 25 août sera l’occasion pour les chercheurs du puissant NUWC de montrer qu’en matière d’hyper-vélocité, ils gardent une longueur d’avance sur les Russes. Depuis le succès du Shqval, ces derniers n’ont pas chômé, mais rien n’a filtré sur l’avancée de leurs recherches.
Les enjeux, eux, sont colossaux. Concrètement, les Américains seront capables d’assainir de vastes champs de mines sous-marines, comme la zone de la guerre du Golfe. Le déminage y est aujourd’hui très long, très coûteux et périlleux pour les opérateurs. Mais surtout l’hyper-vélocité pourrait révolutionner la mobilité des sous-marins qui se traînent actuellement à 40 km/h. Sur le plan civil, on imagine pouvoir aller un jour plus vite sous l’eau que les avions supersoniques. "À un horizon prospectif, soit 30 ans", tempère un observateur français. De toute façon, pour espérer habiter ces machines, il faudra contourner un petit problème physiologique : l’accélération subie à bord d’un sous-marin supersonique serait dix fois supérieure à celle qu’endurent, dans les airs, les meilleurs pilotes de chasse...