Jim Bell, célèbre crypto-anarchiste, vient d’être condamné à 10 ans de prison pour avoir voulu rendre la pareille à des agents fédéraux qui l’avaient illégalement placé sous surveillance.
Jim Bell, un cypherpunk (ou crypto-anarchiste) de 43 ans, encourrait une peine de 5 à 7 ans d’emprisonnement. Il vient d’être condamné à 10 000 dollars d’amende, et deux fois cinq ans de prison. Il ne devrait donc être libéré qu’en 2010. Une fois libre, Bell ne pourra accéder à l’Internet (avec interdiction formelle d’user d’un pseudonyme) que s’il en obtient l’autorisation de son agent de probation, et devra se soumettre trois ans durant à un strict contrôle judiciaire agrémenté de perquisitions régulières, le jugement autorisant les fédéraux à consulter à l’envi la majeure partie de ses données personnelles, ainsi que le contenu de son ordinateur. Son crime ? S’être intéressé de trop près aux agents du fisc qui, selon lui, l’avaient illégalement placé sous surveillance. Ironie de l’histoire, il a été condamné pour harcèlement, alors qu’il dénonçait justement le zèle des fédéraux. Il faut aussi dire que le cypherpunk n’en était pas à ses premiers faits d’armes.
Assassinat sécurisé par internet
En 1996, Jim Bell publie un essai, baptisé Assassination Politics. Dans ce pamphlet, il imagine un système visant à "jouer" sur l’assassinat (bien réel) d’agents fédéraux corrompus, ou outrepassant leurs droits. Ce système de paris en ligne (combinant crypto, anonymat et monnaie virtuelle, trois dadas des cypherpunks) aurait visé à deviner le jour et l’heure de l’assassinat de tel ou tel agent gouvernemental : le gagnant (qui aurait emporté la mise d’argent virtuel) aurait été, bien sûr, l’assassin ou l’un de ses complices... Si Bell n’a de cesse de promouvoir sa méthode sur les newsgroups – sans jamais chercher à masquer son identité – le système n’est jamais été mis à exécution, et c’est finalement la saisie de sa Honda par des agents du fisc qui lance vraiment la justice à ses trousses : ils y trouvent un exemplaire de son essai. Mais aussi une série d’autres documents compromettants. Bell, qui avait connu des déboires fiscaux du temps où il dirigeait une entreprise informatique, ne s’était pas acquitté de certaines taxes et avait pris l’habitude de donner, comme numéro de sécurité sociale, des choses comme 123-45-678... Accusé d’avoir falsifié des documents officiels, mais aussi d’avoir écrit son essai, il reconnaît également avoir lancé des bombes puantes sur le paillasson d’un bureau de l’administration fiscale (le cypherpunk est aussi un chimiste). Bell est condamné à trois ans de prison.
Un procès "à charge"
Relâché en avril 2000, sa haine du fisc et des agents fédéraux n’a fait qu’empirer. Aussi, et parce qu’il s’aperçoit qu’il continue à faire l’objet d’une surveillance toute particulière, Jim Bill décide de leur rendre la pareille et de les espionner à son tour. Au point d’être accusé de harcèlement en novembre dernier pour avoir, à la manière d’un détective privé, chercher à compiler un certain nombre de données personnelles les concernant, et d’avoir menacer deux agents par fax et e-mail. Bell leur reprochait de l’avoir pris en filature, mais aussi d’avoir placé une balise GPS dans sa voiture, ainsi que d’avoir infiltré un groupe politique auquel il appartenait, le tout de manière illégale. Manque de chance pour Bell, l’un de ces deux agents du fisc Jeff Gordon, était aussi (juge et partie) chargé d’enquêter sur lui lors de ce procès dont les dysfonctionnements semblent avoir été nombreux. Declan Mc Cullagh, célèbre journaliste de Wired, fut ainsi mis en demeure de venir témoigner "à charge" contre Jim Bell, dont il avait couvert les affaires. Jim Bell, traité par les forces de l’ordre comme un véritable "cyberterroriste", ne put convoquer tous les témoins qu’il voulait pour sa défense, notamment ceux qui auraient pu prouver le caractère illégal de sa mise sous surveillance. Il désavoua également son avocat, qui menaçait de se dessaisir si Bell révélait les pressions et menaces dont il avait fait l’objet en prison, tout en avançant que son client souffrait de troubles mentaux. Au final, le procès se focalisa surtout sur les us et coutumes des cypherpunks, que semblait fortement craindre le juge, ainsi que les fédéraux. Résultat : 10 ans de prison. Une sentence particulièrement sévère, en forme de menace à l’ensemble du milieu cypherpunk.