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En deux mois d’existence, baisemoilesite.com, émanation Web de
Baise-moi le film, lui-même issu de
Baise-moi le livre signé Virginie Despentes, vient de passer le cap du million de pages vues. Au programme, un avertissement ambigu à prendre au premier degré - message à caractère informatif -, ou au second degré - racolage sur la voie publique : "
interdit au moins de 16 ans, ce film, qui enchaîne sans interruption des scènes de sexe d’une crudité appuyée et des images d’une particulière violence, peut profondément perturber certains spectateurs". Du coup, on ne sait plus très bien si le million d’internautes est venu visiter le site pour prendre position au sein du débat de société, ou pour chercher des images sulfureuses - qu’ils ne trouveront pas.
"Internet bande mou"
"Déjà 2000, et Internet bande mou”, annonce l’édito à la une. C’est qu’ici, on cultive la différence : on laisse aux autres les "plugins, spam et autres connexions" pour parler de "manifester, envahir, festoyer". Il n’empêche : pour visionner les séquences vidéo, il faudra bien un plug-in Quicktime, et une fenêtre pop-up s’ouvre à chaque fois que l’on revient à la une, pour annoncer que les horaires du film dans toutes les villes de France sont sur le site cplanet.com... Quant à manifester, envahir et festoyer, ce n’est pas aussi simple que ça : même s’il souhaite se situer "loin des compromissions et galvaudages dont les surfeurs-internautes-start-up-ouaibiens nous bassinent", baisemoilesite.com n’en reste pas moins financé par la société de production Pan-Européenne.
"Chiron-propagande"
Derrière l’appellation "Chiron-propagande", les trois concepteurs du site doivent donc plus ou moins ménager la chèvre et le chou : parler de rébellion et dénoncer la masse bêlante, d’accord, mais à condition de composer avec l’incontournable boutique en ligne - tee-shirt et boules à neige à l’effigie du film - et des séquences vidéo suggestives. L’autre côté du site, c’est celui de la libre expression violente et sans concessions, le portrait de Virginie Despentes, le "j’aime - j’aime pas" des internautes, la bannière anti Christine Boutin et l’appel à l’anti-fascisme. Pas facile de concilier tout ça. À tel point que l’un des responsables du site, qui se défend de l’appellation Webmaster, prend lui-même la plume sous le pseudo de l’Ours pour dénoncer le côté marketing de l’histoire et envoie aux abonnés de la mailing-list une invitation à ne pas acheter les produits de la boutique - puisqu’il les fait gagner par le biais de concours.
Pas besoin d’argent
Si la campagne de promotion du film est fortement axée sur le Web, c’est qu’on s’est longtemps demandé si le film de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi n’allait pas être classé X - Internet aurait alors été le seul vecteur de communication exploitable. Faut-il pour autant dénigrer en bloc l’appel à la libre expression lancé sur le site ? Pas si sûr. "Nous ne voulons pas faire qu’un site de promo, explique l’Ours. Notre idée est de le continuer bien après le film. Virginie interviendra régulièrement, Houellebecq est aussi intéressé pour écrire, comme Amélie Nothomb..." Et puis subsisteront aussi les rubriques Love et Hate, dans lesquelles les internautes pourront donner leur avis, écrire, et contribuer. Seul problème : le financement du site, jusque-là pris en charge par la production, va s’arrêter en même temps que la diffusion du film. Passé le battage médiatique, la rebelle Virginie trouvera-t-elle le temps de s’occuper de son site ? Le responsable de baisemoilesite.com pourra-t-il répondre à tous les mails, et effectuer les mises à jour sans être rémunéré ? "Si les internautes sont au rendez-vous, on continuera, on n’a pas besoin d’argent pour ça", affirme l’Ours avec une belle assurance. On ne saura donc que dans quelques mois qui, de l’utopie ou des lois marketing, régit aujourd’hui baisemoilesite.com.