Protégé par le 1er amendement de la Constitution, un site d’activistes américains anti-avortement, abortioncams.com, diffuse des vidéos de médecins et de patients filmés à leur insu. Les fondateurs du site projettent même d’adapter ces films pour illustrer un show télévisé sur les chaînes câblées.
Les fous de la lutte anti-avortement ne relâchent pas la pression aux Etats-Unis. La Christian Gallery - une association d’activistes américains luttant furieusement contre l’avortement par une propagande agressive et incitatrice entretenue depuis 1995 sur son site Internet,- vient même de franchir un nouveau pas.
Non contente de terroriser les femmes qui ont recours à l’avortement, au même titre que leurs médecins, le site vient de mettre en ligne une série de vidéos filmant, à leur insu, des praticiens et leurs patientes sortant ou entrant dans des cliniques spécialistes de ces interventions. Pour taper encore plus fort, le site annonce aussi son intention de transformer ces vidéos en shows télévisés accessibles sur le câble.
Disponibles en ligne depuis le 2 août, selon les informations fournies à Transfert par la National Abortion Federation, ces images inquiètent vivement les associations de défense des libertés civiles et du droit à l’avortement. La National Abortion Federation (http://www.prochoice.org/) et la fédération américaine du planning familial (http://www.plannedparenthood.org/) y voient en effet, une intrusion pernicieuse dans la vie privée des individus et une tentative claire d’empêcher les femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, un droit légal aux Etats-Unis et dans la plupart des pays.
Un 1er amendement protecteur
Mais voilà, les irréductibles forcenés de la lutte contre l’avortement ne reculent devant rien...Surtout lorsque le 1er amendement de la Constitution américaine protège leur propos. Bien avant le recours aux vidéos, le site, Abortioncams.com, ne s’était pas gêné pour publier régulièrement des photos de praticiens et de patientes. En 1997 le site avait même frôlé la sanction en publiant une liste de médecins pratiquant l’avortement dans différents Etats. Leurs noms et adresses, avaient été compilés par l’American coalition of Life Activist (ACLA) sous le nom de " Nuremberg Files ". Au fur et à mesure, les noms des personnalités attaquées ou tuées devait être rayés. Devant cet appel délibéré au meurtre, 13 membres de l’ACLA avaient été poursuivis par un groupe de cliniques et de médecins au nom de la loi sur le droit de libre accès aux soins (Federal Freedom of Access to Clinics Entrances Act, 1994). Rendu en février 1999, le verdict obligeait les accusés à verser 107,9 millions de dollars aux plaignants avant d’être annulé en appel.
Un jugement cassé en cour d’appel
En effet, pas moins d’un moins plus tard, en mars, ce jugement était cassé par une cour d’appel. Le juge avait alors argué que " si les propos tenus encourageaient vivement d’éventuels actes terroristes envers les médecins, ils restaient néanmoins protégés par le 1er amendement de la Constitution " (propos rapporté par le site Inside.com). Les poursuites auraient probablement été recevables si les intéressés avaient eux-mêmes menacé de s’en prendre aux médecins. Même si la liste de dénonciation des praticiens a peu à peu disparu du net à la suite de pressions des associations sur les fournisseurs d’accès, le jugement de cour d’appel permet aujourd’hui au site abortioncams.com de continuer légitimement à publier quotidiennement ses photos et ses vidéos en ligne. Et son fondateur, Neal Horsley n’a aucun scrupule à afficher ses ambitions expansionnistes. Sur son site, il décrit même avec moult détails sa stratégie de conquête du petit écran américain (voir son article )
Une procédure à étudier
Mais que faire, en attendant, pour arrêter la diffusion des vidéos distribuées sur le site et le projet d’émission de TV ? C’est la question que se pose actuellement la National Abortion Federation ( NAF). " Nous pensons évidemment que ces films constituent une atteinte à la vie privée. Mais dans la mesure ou le site est protégé par le 1er amendement, il nous faut déterminer dans quels cas ces vidéos peuvent être taxées de le violer. C’est ce que nos avocats étudient actuellement " assure Stéphanie Muller, la porte-parole de l’association.
Les images qui défilent sur le site sont pourtant explicites.
Dans l’un des films, par exemple, un médecin de Portland (le nom de la ville est donné sur le site) est filmé sortant de sa clinique en train de se diriger vers sa voiture. Filmé en plan large et en gros plan, l’homme est très reconnaissable, et, même saccadée, l’image laisse voir sans difficulté le bâtiment et encore mieux...la plaque d’immatriculation du véhicule. Echaudée par le jugement de la cour d’appel sur les " fichiers Nuremberg ", la NAF préfère jouer la prudence. " D’autres questions se posent aussi dans l’éventualité d’une poursuite. En effet, le site fait appel à des militants situés dans plusieurs Etats, qui envoient des films rapidement accessibles en ligne. Dans ce cas, qui poursuivre ? Le site ou les individus qui ont réalisé ces vidéos ? " interroge Stéphanie Muller. Au vu du cadre légal américain sur la question, les avocats de l’association devront effectivement bien ficeler leur procédure pour espérer avoir gain de cause .