Jacques-André Régnier, alias "JAR" sur le Réseau, est le plus connu des astronomes amateurs parisiens. Il a construit sa réputation en envoyant sur le Net ses photos du ciel, prises avec une webcam, depuis son balcon de l’avenue Wagram.
Sur l’avenue de Wagram à Paris, le balcon d’où JAR shoote l’espace.
"Je n’ai pas de problèmes avec les renards ou les gendarmes mais je dois bâcher mon télescope quand la voisine du dessus arrose ses plantes...", plaisante Jacques-André Régnier, qui prouve qu’il est possible de pratiquer l’astronomie en plein Paris.
Depuis son balcon au troisième étage sur l’avenue de Wagram, dans le 17ème arrondissement de Paris, cet informaticien-développeur de 38 ans voit la Tour Eiffel et l’Arc de Triomphe mais aussi toutes les planètes du système solaire, et bien sûr la lune. "Pour le reste, c’est-à-dire les objets plus petits et lointains, ce que l’on appelle le ’ciel profond’, la luminosité urbaine est trop forte pour mon matériel."
18 000 objets en mémoire
"JAR" est un spécialiste de la photo astronomique amateur par webcam. Depuis un an et demi, il peaufine sa chaîne de production. Son télescope, un Celestron Nexstar 5, a le diamètre d’un CD-Rom et ne mesure que 30 cm de long, grâce à un système qui réfléchit la lumière plusieurs fois dans le tube. A l’aide d’une télécommande, ou raquette, il dirige le télescope, motorisé, tranquillement assis derrière son ordinateur, fenêtres fermées.
"Mon téléscope est équipé d’un ordinateur de bord Goto, qui lui permet de se repérer dans l’espace et de suivre une étoile, en compensant la rotation de la Terre, explique JAR. Il a en mémoire l’emplacement de 18 000 objets célestes." Le télescope de JAR, dans la gamme supérieure des petits modèles, coûte 2000 euros environ, somme à laquelle il faut ajouter le prix des lentilles et filtres, dans les 150 euros pièce.
Les modèles les plus récents de télescope intègrent même un système de localisation GPS, utile pour les astronomes qui se déplacent beaucoup. Les américains Celestron et Meade sont les principaux constructeurs.
Bidouille
Bien moins chère, l’autre fidèle allié de l’astronome amateur moderne est la webcam, dont l’objectif est démonté pour pouvoir la fixer directement sur le télescope, grâce à une bague d’adaptation. Tous les amateurs utilisent des modèles de webcam très simples, à 80 euros environ, mais certains les bidouillent ensuite.
"Le principal intérêt, c’est d’arriver à faire des photos avec un temps de pose très long, pour voir les objets de faible luminosité. Il suffit d’ouvrir la webcam et de remplacer des fils, avec un fer à souder" explique JAR, qui n’a pas encore franchi ce pas. D’autres astronomes vont jusqu’à ajouter un refroidisseur Pelletier, à ailettes, comme ceux que l’on voit dans les frigos de caravane, pour éviter que la qualité de la photo soit amoindrie par la surchauffe de la webcam.
"Une fois que j’ai filmé une planète deux ou trois minutes, je choisis parmi les centaines images enregistrées, je les aligne et je les empile, pour obtenir une image fixe de bien meilleure qualité", explique JAR, qui a deux ordinateurs portables et un disque dur de 80 Go. JAR utilise Iris, le plus connu des logiciels d’imagerie astronomique avec Prism et l’américain Registax.
Phémus
"Depuis deux ou trois ans, on voit plein de nouvelles choses dans la photo astronomique, car les webcams ont rendu les choses beaucoup plus faciles," se réjouit JAR. Les magazines spécialisés, comme Ciel et Espace ou Astronomie Magazine publient maintenant des photos d’amateurs, comme celles prises par JAR. Trois de ses clichés de la Lune se sont même retrouvés publiés en "photos du mois" par le site de l’American Lunar Society.
La démocratisation de la photo astronomique a aussi permis de rapprocher la communauté amateur de celle des professionnels. "Cela concerne surtout l’observation des ’phémus’, les phénomènes mutuels qui se produisent par exemple quand deux satellites s’occultent", explique JAR, qui participe par exemple au programme lancé par la Commission des Observations planétaires pour Jupiter de la Société astronomique de France. JAR a déjà envoyé une vingtaine de photos à cette base de données en ligne, qui recense les clichés, datés à la seconde près grâce à la webcam, pour pouvoir comparer les phénomènes similaires dans le temps.
Pour JAR, qui édite son propre site et une lettre de diffusion confidentielle par email, l’astronomie amateur est un plaisir envahissant, comme toute passion. Comme il est marié, JAR essaye de ne pas passer toutes ses nuits la tête dans les étoiles et sur internet. "Ce matin, vous ne verrez personne sur les forums et les listes de discussion. Mercure passe devant le soleil, alors tout le monde est derrière son télescope !" explique-t-il. Bientôt, JAR va déménager à Etampes et pourra alors commencer à observer le ciel profond.