Les créateurs de JListe ont annoncé, mercredi 15 octobre, qu’ils arrêtaient cette liste de discussion consacrée au journalisme en ligne, après plus de cinq ans d’existence. Ayant compté jusqu’à 360 membres, ce forum spécialisé recevait de moins en moins de contributions depuis un an. Les modérateurs de la liste, Hervé Cassagne et Gilles Klein, estiment que "l’esprit" de découverte d’un nouveau média qui régnait pendant les années 1997-2001 s’est envolé. Alain Simeray, journaliste issu de la presse informatique, et Gilles Klein lancent aujourd’hui JListe 2, une liste désormais réservée aux professionnels, principalement les membres des rédactions en ligne de médias traditionnels.
Hervé Cassagne explique avoir fermé le forum qu’il avait créé en 1997 afin d’"éviter une longue agonie pour que JListe reste, du moins dans nos souvenirs, un lieu d’information et de débat passionnant".
Si, comme la plupart des listes, elle ne comptait que 10 % à 20 % de membres réellement actifs dans les débats, cette activité était en forte baisse depuis un an et demi. Quand JListe comptait une dizaine de contributions quotidiennes à la belle époque, elle ne recevait récemment guère plus d’un message par semaine.
"Depuis un an et demi, la grande vague du Net est finie. L’enthousiasme sur le journalisme en ligne n’a fait que décroître, note Gilles Klein, membre d’origine et co-modérateur de JListe. Les journalistes sur Internet sont devenus des journalistes comme les autres."
Pour Gilles Klein, spécialiste du multimédia à l’hebdomadaire Elle depuis 1996, le journalisme en ligne s’est professionnalisé, progressivement et logiquement : "C’est comme pour les radios libres au début des quatre-vingt. C’était plus fou à l’époque. Les reporters des radios privés n’étaient même pas considérés comme des journalistes par leurs confrères..."
En plus de la liste de discussion par email, JListe avait monté une association qui prolongeait parfois les débats en ligne par des rencontres "dans la vie réelle". La dernière conférence, organisée en mai 2002, a marqué, selon Gilles Klein, le début du déclin de la liste.
Pas de révolution internet ?
L’ex-communauté soudée des journalistes internet, qui rêvait d’une pratique différente, plus directe, plus incisive, plus personnelle, plus interactive, s’est peu à peu scindée. "D’un côté il y les amateurs, qui ont cessé de s’exprimer car avoir un site personnel est devenu un fait très banal. De l’autre, les professionnels, qui se sont intégrés dans des logiques d’entreprises et n’appréciaient pas les contributions un peu trop baba cool", juge le journaliste qui a découvert l’internet en 1994, après avoir suivi les Bulletin Board Services (BBS), ancêtres des groupes de discussion actuels.
Les "bloggers", ces internautes éditeurs de petits sites personnels à mi-chemin entre le webzine et le journal intime, ne se sont jamais intéressés à JListe. Pourtant, de nombreux journalistes tiennent un blog bénévolement, afin de donner un autre éclairage sur leur travail.
En 2003, au cours d’une table ronde consacrée au journalisme en ligne à Autrans (Vercors), Hervé Cassagne affirmait déjà que l’"internet n’avait pas été la révolution tant attendue". "Il y a encore cinq ans, on pensait que le réseau interactif allait faire évoluer la presse traditionnelle mais il n’en a rien été", estimait alors le fondateur de JListe, qui a quitté Paris et le journalisme en 2002, et travaille maintenant pour le Conseil régional de Rhône-Alpes.
Retour au contenu
En 1999, pour évacuer certains thèmes hors-sujet sur JListe, Gilles Klein avait créé JournaListe, consacrée au journalisme en général. Active, la liste revendique 300 abonnés, tous professionnels, titulaires de la carte de presse ou étudiants en journalisme.
Jliste n’existe plus, mais le témoin est transmis à JLIste 2, un nouveau groupe de discussion lancé aujourd’hui par Alain Simeray, un journaliste issu de la presse informatique, et Gilles Klein. Ce successeur a désormais vocation à accueillir les seuls professionnels du contenu en ligne. "Les débats porteront surtout les différents modèles économiques, les façons d’éditer l’information en ligne, les types de mise en forme du contenu...", précise Gilles Klein.
Ce spécialiste reconnaît que la presse "uniquement en ligne" a presque entièrement disparu et que les médias traditionnels ont pour la plupart réduit l’ambition de leur site. Toutefois, Gilles Klein se réjouit de voir "un retour au contenu" sur les sites des médias traditionnels, qui commenceraient à revenir de la "mode flash" et des "mise en page magiques". L’aventure continue.