Depuis le 10 juin, le "cirque multimédia" Schlag ! a investi un chapiteau planté dans le jardin des Tuileries, à Paris. La manifestation dure jusqu’au 22 juin prochain. Fondé sur l’interaction en temps réel entre le jeu des acteurs (réels et virtuels) et la musique, ce spectacle s’appuie sur des logiciels développés dans les studios de l’Ircam (l’Institut de recherche et coordination d’acoustique/musique). Schlag ! est une illustration de la tendance, de plus en plus répandue, de l’appropriation des langages informatiques par une nouvelle génération "d’artistes-programmeurs".
L’affiche de Schlag !, aux Tuileries jusqu’au 22 juin (DR)
Le personnage principal du spectacle, la créature virtuelle Oscar, s’inspire du petit garçon inventé par Günter Grass dans "Le Tambour". Dans ce roman, l’écrivain allemand décrit le monde tel que le perçoit le petit garçon. Dans le spectacle, Oscar réagit aux différents événements sonores et gestuels qui se succèdent sur la piste.
Depuis une dizaine d’années, des outils de développement informatique permettent aux artistes d’inventer de nouvelles formes d’interactions entre musique, vidéo, danse, théâtre et architecture, sans avoir à rédiger la moindre ligne de code. En faisant appel à des interfaces graphiques, ces outils d’aide à la programmation se manipulent en faisant glisser des modules sur l’écran, et en les reliant les uns aux autres. C’est ce qu’on appelle le principe de la "programmation-objet".
Manipulations interactives
Musiciens et informaticiens collaborent depuis toujours au sein de l’Ircam. Créé au milieu des années 90, Max est le premier langage de programmation graphique destiné à la composition de musiques électroniques. Capable de traiter et de synthétiser des sons, Max est aujourd’hui utilisé par de nombreux compositeurs.
George Issakidis, membre du groupe franco-canadien Les Micronauts, utilise par exemple Max pour composer et coordonner sons et images pendant ses spectacles.
Depuis, d’autres environnements de développement graphiques destinés à la création ont vu le jour. Ils s’appellent jMax, Pure Data ou encore Eyesweb.
Eyesweb a été développé par le laboratoire d’informatique musicale de l’université de Gênes. Les membres de l’Ircam l’utilisent notamment pour les créations qui mêlent danse et musique : les mouvements des danseurs sont repérés et analysés par le programme. Ces mouvements peuvent alors déclencher des sons, synchronisés ou pas avec les gestes, selon la volonté de l’artiste. Ce dernier peut simultanément manipuler la texture des sons ainsi que l’endroit à partir duquel ils sont émis.
Les mains, la vue et l’ouïe
Dans Schlag !, deux applications développées à l’Ircam à partir d’Eyesweb sont utilisées. La première permet à Oscar, le héros du spectacle, de suivre des yeux les déplacements de certains personnages. L’autre application est un système de reconnaissance des positions de la main. Ce logiciel analyse la forme des mains des musiciens filmées par deux caméras.
Les informations sont ensuite transmises à un ordinateur central, chargé de reconnaître des postures et des positions de mains prédéfinies. Cette reconnaissance déclenche un nouveau signal, envoyé à un ordinateur chargé de la synthèse et du traitement des sons. Oscar, dont la tête apparaît sur six écrans vidéo, réagit et se déplace en fonction de l’ensemble de ces données.
"Les informations de détection fournies par Eyesweb sont utilisées soit à des fin musicales, soit pour fournir à Oscar des données sur le ’monde réel’" explique Emmanuel Flety, ingénieur à l’Ircam. Eyesweb permet de doter Oscar du sens de la vue. Max lui fournit l’ouïe. Oscar réagit à certaines formes à certains types de déplacements. Il peut aussi reconnaître des formes rythmiques ou mélodiques simples".
Schlag ! démontre que l’Ircam, créé par Pierre Boulez en 1973, continue à innover et est capable de toucher un public plus large que le cercle de quelques initiés de la musique contemporaine.
Schlag! (informations et renseignements pratiques):
http://agora.ircam.fr/article.php3?...
Le site de l’Ircam:
http://www.ircam.fr
Le site du Laboratoire d’informatique musicale de l’Université de Gênes:
http://musart.dist.unige.it