Et voilà qu’après les cruels attentats survenus aux ...tats-Unis, on parle d’Internet. D’ici à ce que la cryptographie soit mise en cause et que les écoutes soient généralisées...
"Jihad Online", ce terme qui n’a absolument rien à faire dans le contexte où il est utilisé résume à lui seul l’état d’esprit qui règne déjà après les attentats du 11 septembre. Dieu sait pourquoi Thomas Friedman (qui signe un éditorial dans le New York Times a introduit "Jihad Online" au milieu d’un article par ailleurs intéressant sur la bataille difficile entre les démocraties et le terrorisme international. Mais l’expression ne manquera pas d’être reprise. La route vers l’amalgame est tracée. C’est déjà le cas entre Islam et terrorisme depuis le 11 septembre. Maintenant, on tente de nous expliquer deux choses : les auteurs ont forcément trouvé des informations sur Internet (notamment pour le pilotage des avions) et, deuxièmement, une cyberguerre est imminente. Salauds d’intégristes, salaud d’Internet. Face à l’adversité et à l’horreur, la réponse semble un peu faible.
Dérapages
Le piètre résultat des services de sécurité américains dans cette affaire est relevé par les experts. Le "tout électronique" est montré du doigt et les appels à un retour au "humint" (human intelligence) se font pressants. Après avoir, pendant des années, agité l’épouvantail du Pearl Harbour électronique - une chimère, tel qu’il est imaginé par les militaires et les espions américains - pour obtenir des budgets et financer des "machins" comme Echelon, les autorités américaines vont probablement se lancer dans le "tout humain". Mais là encore, il est probable qu’ils ne connaissent que de tout petits succès. Car, comme l’admet Thomas Friedman dans son papier, les Américains ne sont pas armés pour aller faire de l’infiltration en Afghanistan... Quoi qu’il en soit, certains n’ont visiblement pas tout compris au film puisque le National Infrastructure Protection Center (NIPC) () s’est encore ridiculisé en annonçant une réunion d’urgence, histoire "d’analyser toute la cyber information secrète". Encore plus décalé, le lieutenant général Al Edmonds, un retraité de l’Air Force cité par Infoworld s’inquiète : "Je pense qu’une cyber-attaque pourrait suivre et cela paralyserait tout." Rassurons-nous, le US Space Command qui coordonne les histoires de cyberguerre annonce qu’il ne se passe rien de plus qu’en temps normal sur les réseaux américains. Le Chaos Computer Club (CCC) tente de prévenir les dérapages de script kiddies. En effet, certains gamins appellent actuellement au piratage de sites musulmans. Pour Andy Müller-Maguhn, l’un des directeur de l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), "il y a, en ce moment, sur la scène hacker allemande et internationale, des appels à la destruction des sites internet et des moyens de communication de groupes et de pays liés aux intégristes islamistes, en réaction aux attentats d’une violence inouïe survenus aux ...tats-Unis mardi dernier. Le CCC s’élève contre ces appels et engage tout le monde à les ignorer. En tant qu’Alliance intergalactique, le CCC pense qu’il est dangereux de vouloir diviser le monde entre un camp du Bien et un camp du Mal, surtout sur des bases religieuses." "Nous sommes tous désemparés face au pouvoir de la destruction. Mais nous croyons au pouvoir de la communication, qui se montre chaque jour plus fort et positif que la haine", déclare Jens Ohlig, l’autre porte-parole du CCC. "Les structures de communication électronique comme l’Internet sont un outil puissant dans ces circonstances pour promouvoir la compréhension mutuelle entre les peuples."
Mais qui pourrait mettre en parallèle un pauvre hack aboutissant au changement de page d’accueil d’un site, les événements tragiques du 11 septembre et les éventuelles représailles à coups de missiles ? Quant aux vrais réseaux de communication (hors réseaux publics comme Internet), il ne sont pas à la portée des script kiddies.
La voie est ouverte
Par ailleurs, l’escalade dans les termes utilisés par le président Bush (qui se garde jusqu’ici de lier Internet à tout cela) n’est pas anodine. Le "tout répressif" n’est pas loin non plus. Du moins, cela ouvre la voie à tous types d’actions. À titre d’exemple, il est probable que, dans un tel contexte, le projet de Convention sur la cybercriminalité du Conseil européen soit adopté sans aucun recul sur le contenu de ce texte. George Bush expliquait le 12 septembre : "Les attaques délibérées et meurtrières qui ont été perpétrées [...] étaient plus que des actes de terrorisme, c’étaient des actes de guerre. [...] Nous rallierons le monde derrière nous. Nous serons patients et déterminés. Cette bataille sera longue et nécessitera une résolution sans faille. [...] Ce sera un combat monumental du Bien contre le Mal. Mais le Bien l’emportera." Avec un tel programme affiché, il sera possible de justifier n’importe quelle action. Du fichage généralisé aux restrictions sur l’utilisation de la cryptographie en passant par les écoutes sauvages directement chez les fournisseurs d’accès. Ces derniers ont annoncé une collaboration totale avec le FBI à propos d’une simple adresse électronique qui est actuellement dans le collimateur des services de police.
La différence est ténue entre un enfant qui jette des pierres sur un soldat et un terroriste du Hamas dans l’esprit de pas mal de monde. Quelle différence fera-t-on demain entre un site qui s’oppose à l’hégémonisme américain et un site appelant à la destruction des ...tats-Unis ? Que pensera un spécialiste de la lutte contre le terrorisme (visiblement nouvelle grande cause mondiale 2001) du site unamerican.com dans lequel son initiateur, Srini vend un autocollant sur lequel est écrit : "End the USA" ? Srini publie d’ailleurs en ce moment un papier en une de son site dans lequel il craint une réaction du gouvernement des ...tats-Unis dont il est citoyen. Il souligne que "ce problème ne peut pas être résolu par des bombes. Les bombes sont justement LE problème".