L’Office européen des brevets (OEB) doit statuer les 6 et 7 mai prochains sur la validité d’un brevet concernant la fabrication du soja génétiquement modifié. Un brevet que Monsanto, n°1 mondial du soja OGM, a contesté pendant deux ans, avant de le racheter en 1996. Un brevet aujourd’hui contesté à la fois par des associations anti-OGM et par les concurrents de Monsanto.
Enregistré sous le numéro 301749, le brevet sur lequel l’OEB doit se prononcer le 7 mai 2003 est l’un des plus célèbres du monde de l’agriculture biotech. Il concerne la fabrication du soja transgénique par la technique dite du "canon à gènes".
Couramment employée par l’industrie des OGM, cette technique consiste à bombarder les cellules de la plante qu’on souhaite modifier par des billes métalliques entourées des gènes qui vont lui être ajoutés.
Le brevet européen n°301749 a été délivré en 1994 à la société Agracetus. Il concerne toutes les variétés de soja génétiquement modifiées (quels que soient les gènes insérés).
Alliance contre-nature ?
Aussitôt après la délivrance du brevet, en 1994, Monsanto a déposé une plainte auprès de l’OEB pour tenter de le faire invalider. Dans un rapport de près de 300 pages, les avocats de Monsanto critiquaient notamment la méthode scientifique employée par les chercheurs d’Agracetus ainsi que le peu de nouveautés apportées par la technique d’Agracetus.
La même année, les associations écologistes se lançaient elles aussi dans la bataille juridique. En décembre 1994, l’ETC, une association canadienne qui lutte pour le maintien "de la diversité culturelle et écologique", portait plainte contre ce brevet qu’ils jugeaient "techniquement défectueux et moralement inacceptable".
Mais en avril 1996, Monsanto a acheté Agracetus et son brevet. Plus question, dès lors, d’en mettre la valeur en doute. Aujourd’hui, le géant des céréales OGM doit défendre devant l’OEB le brevet qu’il dénonçait il y a neuf ans devant la même instance.
Aujourd’hui et demain, les membres de l’OEB entendent, dans le camp des opposants à Monsanto, les arguments des sociétés Syngenta et Dupont, concurrents de Monsanto, ainsi que ceux des représentants d’ETC, soutenus par Greenpeace.
Une situation paradoxale qui fait sourire Eric Gall, conseiller politique de Greenpeace Europe : "Pour une fois, nous nous retrouvons côte à côte avec des représentants de l’industrie des OGM". Mais, pour Eric gall, l’alliance s’arrête là : "Nous n’avons pas les mêmes arguments : Novartis et Dupont défendent leur part du gâteau, nous dénonçons les conséquences des brevets sur le vivant."
Quasi-monopole
L’enjeu économique est de taille pour Syngenta et Dupont. Le maintien du quasi-monopole de Monsanto sur le soja OGM importé en Europe dépend de la décision de l’OEB. En 2002, Monsanto a fournit près de 90 % du soja transgénique à l’Europe.
Quant à ETC et Greenpeace, ils comptent profiter des auditions de l’OEB pour faire entendre leurs arguments contre le système des brevets sur le vivant. Eric Gall affirme : "Nous pensons que le système des brevets, qui devrait protéger les petits inventeurs, profite en fait aux multinationales. Ce système conduit à un monopole des ressources génétiques. De plus, à force de breveter toutes les étapes des processus de fabrication, dans l’informatique comme dans la génétique, on va finir par bloquer l’avancée de la recherche".
Les auditions prennent fin demain, mercredi 7 mai. La décision de l’OEB devrait suivre dans les prochains jours.