Interview du député européen et porte-parole de la LCR, qui doit s’envoler mardi 8 mai pour Washington, dans le cadre de la commission d’enquête sur Echelon, le système d’écoute contrôlé par les Américains.
Vous avez bien failli ne jamais partir...
Effectivement. Je pense que j’ai un dossier qui remonte à une vingtaine d’années. À l’époque, j’avais tenté de séjourner aux ...tats-Unis et j’avais été refoulé. Depuis, je n’ai pas insisté. Devant l’attitude des autorités américaines qui me refusaient un visa, les membres de la délégation du Parlement européen se sont mobilisés et ont annoncé l’annulation du voyage. J’ai même évoqué le problème en séance plénière, à Strasbourg. Finalement, Nicole Fontaine, la présidente du Parlement, est intervenue personnellement auprès des autorités américaines. Je viens juste de recevoir mon visa...
Qui allez-vous rencontrer aux Etats-Unis ?
Les membres de la délégation doivent rencontrer des membres du Congrès américain, ainsi que des responsables du FBI, de la NSA (National Security Agency) et de la CIA. C’est le dernier temps de la série d’auditions de la commission temporaire avant la rédaction du rapport sur Echelon. Mais je n’attends pas grand-chose de ses auditions. D’abord, je ne suis pas sûr que l’ordre du jour sera effectivement respecté. Ensuite, je ne connais pas le niveau de responsabilités de nos interlocuteurs. De plus, face à une telle pieuvre, il est évidemment très difficile d’obtenir des informations. Quand vous interrogez un espion, il vous raconte ce qu’il veut...
De quels pouvoirs la commission temporaire Echelon, mise en place par le Parlement européen, dispose-t-elle ?
Les pouvoirs de la commission se limitent à la demande d’auditions. Nous sommes donc soumis à la bonne volonté de nos interlocuteurs. Certains acteurs du dossier ont refusé de venir s’expliquer à Strasbourg. Ce fut le cas, par exemple, des services secrets anglais. Nous avons donc dû nous déplacer. Parce que, concernant Echelon, le Parlement a refusé de voter la mise en place d’une commission d’enquête qui dispose de dix fois plus de pouvoirs. Notamment de mesures contraignantes.
Quelle analyse faites-vous du développement de ces systèmes d’écoutes ?
Cela relève d’une grande hypocrisie. Tout le monde possède ses services d’écoutes et le réseau Echelon partage ses informations avec d’autres pays. C’est un échange de bon procédés. Le rapport d’information du député Arthur Paetch auprès de l’Assemblée nationale indique que les écoutes d’Echelon peuvent êtres utilisées à des fins d’espionnage industriel. On peut citer le cas d’Airbus (espionné au profit de Boeing pour un marché saoudien, NDLR). Pourtant aucun industriel n’a jamais porté plainte...
Quels sentiments vous inspirent Echelon ?
C’est terrifiant. Les moyens techniques mis en œuvre par ces systèmes d’interceptions sont énormes. En fait, ils sont capables d’écouter absolument tout : courriers électroniques, téléphones mobiles et lignes fixes. Pour le système Echelon, les spécialistes évaluent à trois milliards le nombre d’écoutes potentielles par jour ! De plus, selon les auditions menées par la commission, il est clair que les systèmes de cryptage les plus performants sont contrôlés par les Américains.
Où est en la rédaction du rapport ?
Il est en cours de rédaction par le rapporteur, Gerhard Schmid. L’essentiel est d’alerter l’opinion publique. Et de parvenir à une condamnation plus ferme de la Grande-Bretagne, principal relais du réseau Echelon.