Le juge Gomez a condamné le site américain à mettre en place les filtres recommandés par les experts. Yahoo ! a trois mois pour obtempérer.
Pas de coup de théâtre, lundi 20 novembre, dans l’antre de la première chambre civile du tribunal de grande instance de Paris. Après le rapport rendu par les experts, le 6 novembre dernier (
Procès Yahoo ! les experts stars d’un jour ), il ne s’agissait pas pour le juge des référés, Jean-Jacques Gomez, de revenir sur sa décision du 22 mai qui condamnait Yahoo ! (
La France condamne Yahoo ! ). Mais de préciser les mesures que la firme américaine devait mettre en œuvre pour rendre inaccessibles ses enchères nazies aux internautes français.
France-...tats-Unis, le match judiciaire continue
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Avec presque deux heures de retard, le juge a rendu sa décision. Il a avant toute chose réaffirmé "pour la troisième fois, la compétence de la juridiction française dans cette affaire". Une compétence toujours remise en cause par Maitre Pecnard. L’avocat de Yahoo ! soutient mordicus, depuis le début du procès, que Yahoo ! n’a pas à se conformer à la loi française, d’abord puisqu’il s’agit d’une société de droit américain. Or, le 1er amendement de la Constitution des ...tats-Unis garantit à tout citoyen la liberté d’expression. Ensuite, parce que la firme américaine s’adresse principalement à ses concitoyens. Si le premier point ne pourra être tranché que par une décision américaine analogue, le juge n’entend pas faiblir sur le deuxième. Pour lui, si "Yahoo ! s’adresse en général aux internautes américains, compte tenu des objets vendus et du mode de paiement prévu, les enchères d’objets représentants des symboles de l’idéologie nazie peuvent intéresser et sont accessibles à toute personne qui souhaite les suivre, y compris les Français."
Suivant de près le rapport des experts, le juge demande à Yahoo ! de mettre en place un filtrage des internautes français par la localisation de l’adresse IP associé à un filtrage de la requête par mots-clés. Afin "d’optimiser le procédé technique". Puisque Yahoo ! "est capable d’identifier les internautes français pour des raisons marketing" (publicité en langue française sur son site américain), le juge a demandé à la firme américaine de faire la même chose concernant ses enchères. Il a rejeté de ce fait les arguments de Yahoo ! selon lesquels la mise en place de ce filtrage entraînerait une modification du logiciel de gestion du site et un coût important pour la société. Enfin, le juge a laissé un délai de trois mois à Yahoo ! pour se conformer à sa décision. L’expert français François Wallon (un des auteurs du rapport) est chargé de faire un rapport de consultation sur la mise en œuvre effective de ce filtrage par Yahoo !. Les frais estimés à 10 000 F seront à la charge de l’entreprise américaine. Au-delà des trois mois, Yahoo ! sera également condamné à verser 100 000 F de dommages et intérêts par jour de retard. Une amende salée qui ne fait pas peur à la firme américaine, bien décidée à ne pas suivre la décision du juge.
Appel or not appel ?
C’est en tout cas ce qu’a semblé suggérer Maître Christophe Pecnard à la sortie de l’audience. Après une mini réunion de conciliation avec son assistant et les attachées de presse de la maison Yahoo !, l’avocat s’est avancé prudemment sous les feux des projecteurs. Visiblement gêné, il a déclaré : "Nous allons examiner la situation. Faire appel est une possibilité." Pour Christophe Pecnard, peu importe que Yahoo ! s’entête à ne pas vouloir donner quelques signes de bonne volonté : "Le juge a ordonné quelque chose qui aboutit à un cloisonnement contraire à la loi française." Aussi, lorsqu’on demande à l’avocat pourquoi Yahoo ! ne concède pas un effort pour des produits nazis alors que le site Yahoo !Auctions procède déjà à des filtrages concernant la vente d’alcool ou d’animaux vivants, il se braque : "Aux ...tats-Unis, nous avons ce qu’on appelle le Notice and take down : ce sont les membres de la communauté qui nous alertent sur la vente de tel ou tel produit. Mais nous n’exercerons pas de censure a priori." De leur côté, les associations de lutte contre le racisme ne cachaient pas leur joie en parlant de "solution exemplaire", selon Marc Knobel, de la Licra. Pour Marc Lévi, l’avocat de l’association, "le juge a rappelé l’importance des principes et il a été généreux sur les modalités".