Le Réseau Voltaire s’apprêterait à attaquer 7 Ways, le prestataire technique qui a suspendu le nom de domaine avant décision de justice.
L’affaire Danone repart de plus belle. Dans l’affrontement qui oppose le grand groupe agroalimentaire au site jeboycottedanone.com, un certain flou artistique règne, droit de l’Internet oblige. En premier lieu, la lecture du texte intégral de la décision rendu le lundi 23 avril par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, révèle qu’Olivier Malnuit, l’animateur du site attaqué par Danone, conserve le droit d’utiliser le nom de domaine jeboycottedanone.com. Le juge a ainsi un peu surpris les parties car, s’il condamne Olivier Malnuit à "cesser de faire usage des marques" de Danone, il estime que "l’utilisation du terme ’danone’ dans le nom de domaine enregistré par M. Malnuit correspond cependant à une référence nécessaire pour indiquer la destination du site polémique. Associé au terme très explicite ’jeboycotte’, il ne peut conduire, dans l’esprit du public, à aucune confusion quant à l’origine du service offert sous ce nom." Olivier Malnuit se félicite naturellement : "Nous nous sommes bien défendus face à un groupe énorme et avons gagné au moins sur le point du nom de domaine. Par contre, je suis halluciné de ne pas pouvoir utiliser ce dernier parce que 7Ways a pris un prétexte pour le suspendre."
En effet, ce prestataire technique, qui a enregistré le 4 avril le nom de domaine en question, l’a suspendu, vendredi 20 avril dans la soirée, estimant que Malnuit avait enfreint le principe de neutralité du registrar. "Comme nous l’avons déjà dit, nous étions obligés par les réglements internationaux qui nous régissent, de réagir quand M. Malnuit a publié le 20 avril des informations erronées sous-entendant que nous nous rangions de son côté dans le procès en cours", se justifie M. Collignon, responsable de l’enregistrement chez 7 Ways et président de l’association européenne des registrars. Pour recouvrir l’usage de son nom de domaine, Olivier Malnuit a demandé à son avocat d’adresser un courrier à 7 Ways. De son côté, M. Collignon estime que son client doit passer par une cour d’arbitrage pour obtenir un règlement à l’amiable. Dans tous les cas, il se range derrière les principes mis en place par l’ICANN, l’organisme qui régit l’attribution des noms de domaine, qui privilégient les liens contractuels et l’autorégulation privée entre prestataires et clients. En attendant, Olivier Malnuit prépare une conférence de presse pour annoncer sa stratégie future et le lancement éventuel de ouijeboycottedanone.com qu’il a annoncé le lundi 23 avril.
Dans ce dialogue de sourds, le Réseau Voltaire vient d’ajouter une voix. Hébergeur technique du site jeboycottedanone.com, cette association de défense de la liberté d’expression a toujours été partisan d’une défense plus radicale. Quand 7 Ways a suspendu le nom de domaine, elle a immédiatement activé l’adresse jeboycottedanone.net. Aujourd’hui, elle envisage très sérieusement de poursuivre cette société pour censure. L’article 431 du nouveau code pénal condamne en effet "le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression". Si le plaignant arrive de plus à prouver que l’interruption faite par 7 Ways est une voie de fait, cette société risque jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 300 000 F d’amende. Ce développement est en fait une première en droit français et renvoie aux actuels débats autour de la loi sur la société de l’information. Notamment le fameux amendement Bloche qui demandait aux hébergeurs de prendre des "diligences appropriées" contre tout site manifestement illicite, même avant qu’une décision de justice ne soit rendue. Aujourd’hui, les avocats spécialistes de l’Internet se réjouissent de l’initiative du Réseau Voltaire : "Ce qu’a fait 7 Ways est une perversion totale du système. C’est en voulant soi-disant préserver sa neutralité qu’il en est sorti en suspendant le site. Entre les règlements contractuels de l’ICANN et le droit pénal français, il n’y a pas photo", explique Cyril Rojinsky, avocat. Dans le milieu de l’Internet indépendant français, on se félicite d’un procès hardi qui pourrait créer un précédent obligeant les prestataires techniques à ne jamais agir sans décision de justice.
La stratégie offensive choisie par le Réseau Voltaire donne un nouvel horizon à l’affaire Danone, dont les prochains épisodes sont nombreux : Malnuit a fait appel du jugement en référé et espère une audience avant le jugement au fond de l’affaire, prévu le 30 mai. Ce n’est pas tout : un internaute se réclamant d’un collectif de consommateurs français, a annoncé le lancement de prochain de jaimedanone.com. Un autre procès en vue ?