Denis Harscoat, 29 ans, veut faire de zden.com « la » place de marché mondiale d’échanges de fichiers. Et rééquilibrer les rapports Nord-Sud.
Denis Harscoat ressemble à ces jeunes patrons qui ont tombé la cravate après des années de port obligatoire. Lui ne vient pourtant ni de la banque d’affaires, ni du conseil, mais tout droit des pompiers de Paris. De la caserne de Montmartre précisément. Il y a occupé, durant quatre ans, le poste de chef d’équipe, tout en poursuivant un DEA de philosophie. « Je voulais être au contact de la réalité. Pas comme dans un discours, pour de vrai », raconte-t-il. Après cette expérience, le philosophe-pompier enchaîne un MBA à Rotterdam, six mois intensifs dans une start-up de San Francisco, puis rentre en France pour lancer zden.com, en février dernier.
L’idée semble relever de l’utopie : « Donner à l’Indonésien la chance d’être vu et payé au même niveau, à compétences égales, que l’Américain. » En clair, rééquilibrer les termes de l’échange entre les riches et les autres. Zden se présente comme une place de marché mondiale d’échange de fichiers numériques, un lieu d’expression pour créateurs de tout poil. Webmasters, musiciens, thésards, écrivains, avocats, etc., chacun peut y présenter son « œuvre » et se faire rémunérer en points (les zees). Une fois accumulés, ces zees sont transformés en espèces sonnantes et trébuchantes, ou servent de monnaie d’échange pour l’achat d’autres fichiers. Peu coûteuse, la méthode se place à contre-courant de la gratuité totale façon Napster. Rémunérer la création, c’est lui assurer longue vie, souligne Denis Harscoat. Et de citer ces mots de Van Gogh à son frère Théo : « En aidant les artistes, tu fais toi-même œuvre d’artiste. » À quelques jours de son lancement, Zden compte plus de 35 000 membres, et en attend deux millions d’ici à février 2001. Zden s’adressera aussi aux professionnels en leur offrant - en plus de la valorisation de leurs contenus - un espace de stockage, en partenariat avec IBM. Pour l’heure, Denis Harscoat et sa dizaine de compères s’entourent d’investisseurs « en se méfiant des requins ». L’équipe a élu domicile dans une maisonnette du XXe arrondissement de Paris, au pied d’un grand houx. Loin de la rumeur, « loin du bruit affolant de la Californie ».