L’aventure de Napster - réseau innovant de partage de la musique et d’échange de fichiers - s’inscrit dans un débat plus large sur les modèles économiques du contenu ou plus spécifiquement, des biens immatériels, comme la musique, les images ou le code informatique. Ces biens étant numérisés, leur reproduction est facile et très bon marché, ce qui rend difficile, voire impossible, le contrôle de leur diffusion.
En même temps, la réduction des coûts fait exploser la demande pour ces biens. Et pour répondre à cette demande, il faut bien rémunérer ceux qui les créent. Une solution à ce dilemme est le système du tiers payant, par exemple la publicité, où la consommation des biens immatériels est gratuite, mais où l’on fait payer ceux qui veulent avoir l’accès à l’audience des consommateurs.
Cette solution est éprouvée mais elle nécessite des circuits complexes d’intermédiation. Dans le monde de l’Internet, certains créateurs essaient le modèle de la vente directe, court-circuitant les intermédiaires traditionnels. Ainsi, Stephen King, l’auteur d’épouvante bien connu, publie désormais ses livres sur Internet. Son approche est de sortir un chapitre à la fois et de ne continuer que si plus de 70 % des lecteurs paient suffisamment pour couvrir ses frais. Pour Hal Varian, il s’agit d’un modèle de rançon. Notons toutefois que pour le pratiquer, il vaut mieux disposer d’une bonne notoriété.
Or, le défi fondamental de la nouvelle économie de l’immatériel est d’attirer et de rémunérer les nouveaux créateurs, ceux qui sont encore inconnus ou peu connus. Il faut, par conséquent, construire des modèles économiques innovants qui réconcilient la nouvelle donne technologique avec les exigences des créateurs, qui veulent voir leurs efforts et leur ingénuité récompensés à leur juste valeur. L’économie traditionnelle du contenu a bel et bien vécu. Il est illusoire de croire qu’elle sera remplacée par un système plus simple et moins sophistiqué.
* Charles G. Goldfinger est managing director chez Global Electronic Finance