ARCHIVES 1.08 - Dossier Dissidence : Arrête de t’intoxiquer, sois ton propre média
Contre l’uniformisation, la censure ou juste pour l’ouvrir, les résistants ont créé leurs webmédias. La technologie leur a donné l’indépendance, il faut encore la garder.
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Connaissez-vous l’anti-CNN ? IndyMedia.org est le plus grand réseau de journalistes indépendants sur Internet. Créé à l’occasion du Millenium Round de Seattle, en novembre 1999, il permit aux « médiactivistes » de couvrir l’événement en direct. En toute subjectivité et en parfaite liberté. Présent dans toutes les grandes réunions internationales (OMC, FMI...), IndyMedia justifie son existence par sa différence. Selon ces nouveaux journalistes, l’idéologie véhiculée par les médias grand public donne une couverture biaisée des événements. Ainsi, quand CNN et TF1 donnent la parole aux ténors de la mondialisation et ont tendance à diaboliser les manifestants, Indymedia couvre les contre-sommets. Face au JT, ils brandissent des reportages en ligne sur les « camps d’entraînement à la non-violence » que suivent les militants anti-mondialisation ou encore des photos et vidéos attestant des violences policières.
Géniaux bénévoles
Présent dans une dizaine de villes et de pays, IndyMedia s’est implanté en France à l’occasion du procès de José Bové à Millau, avant de suivre la caravane anti-FMI à Prague. Né en partie grâce à FreeSpeech.org, qui fédère et met en ligne les programmes des télévisions alternatives américaines, IndyMedia n’appartient pas à la « grande famille » de la presse. Chris Arden, informaticien de 43 ans et membre du collectif, s’en félicite : « Avec Gutenberg, l’information, contrôlée par l’...glise, s’est diversifiée. Avec Internet, elle n’est plus entre les mains de la presse corporatiste. »
Les coûts de production ont baissé de façon « révolutionnaire » pour les médias audiovisuels. Avec ses cinq permanents, le collectif de vidéastes américains undercurrents.org est, par exemple, à la tête du plus gros fonds d’images sur l’activisme. À Oxford, dans ses petits locaux, Tim, le webmaster, développe une base de données qui permettra à tous les internautes de faire des recherches, par mots-clés, dans ces milliers d’heures d’enregistrement. Plus besoin d’être un « professionnel de la profession », doté d’un budget chiffré en millions, pour monter sa propre chaîne. Le site français teleweb.org fournit ainsi tous les outils pour créer sa télé (ou radio) sur le Net. Lancé au printemps 2000, son portail propose déjà plus de 500 programmes !
Internet a également transformé les fanzines papier en webzines high-tech (aux coûts de production quasi nuls). Ainsi, en France, le Portail des Copains de rezo.net, recense des dizaines de « médias libres » lus par des milliers d’internautes : l’Ornitho, les Chroniques du Menteur... Ouverts et interactifs, les fleurons des nouveaux médias sont l’œuvre de géniaux bénévoles qui, pour vivre, vendent souvent leurs services... aux boîtes qu’ils critiquent tant. Bel exemple de cette schizophrénie : Mike Slocombe, webmaster de urban75.com, site anglais alternatif. Entre deux jobs de webdesign pour la BBC ou Coca-Cola, le jeune homme a construit, en quatre ans, une Rolls des médias militants : 70 000 visiteurs par jour. « Mon site est souvent mieux fait que celui des entreprises qu’il condamne. Si on attaque le système avec ses propres armes, les gens voient que la culture alternative ne se limite pas à des tracts en noir et blanc. »
Aucun revenu
Loin des vieux modèles, de nouvelles formes de médias sont même apparues. En tête, le journalisme « open-source », comprenez « participatif » ou « contributif ». Le principe est simple : tribunes ouvertes à tous les internautes, n’importe qui édite ses infos, brèves ou articles, qui seront ensuite commentés ou corrigés par les autres internautes. La force du journalisme open-source ? Celle qui fait de Linux un système d’exploitation plus performant que Windows : l’émulation générale et la correction mutuelle. « On est nombreux, tous pros dans notre secteur, donc forcément plus forts que le journaliste seul, qui doit parler de beaucoup de choses qu’il ne connaît pas », explique Silvère Trajan, de nospoon.org, un site participatif français, lancé en 1999.
En faisant tourner son « uZine » collective de 1996 à 1998, le MiniRézo, un groupe de webmasters indépendants, fut l’un des pionniers du genre. Il vient de lancer son uZine2 (minirezo.net), sur le modèle « open-source », histoire de reprendre sa veille critique de l’évolution du Net. Sont visés les chantres de la régulation, la fermeture d’Altern ou l’amendement Bloche. Ces webmasters ont de la bouteille : auteurs du Manifeste du Web indépendant ou de la Défaite de l’Internet au moment de l’affaire Estelle Hallyday, ils contribuent à la reconnaissance des médias libres et du Web non-marchand. Ces vieux routiers n’ont pas choisi l’open-source par hasard. La recette marche :
slashdot.org, précurseur américain, avec ses 5 000 contributeurs et ses 800 000 pages vues par jour, en a apporté la preuve. D’ailleurs, le site a été racheté en 1999 par le groupe andover.net, grand acteur économique du logiciel libre.
Pour l’heure, l’indépendance éditoriale de Slashdot semble intacte. Mais cette évolution pose la question de la pérennité économique des médias indépendants sur Internet. Tous se refusent à vivre de la pub, n’ont aucun revenu et fonctionnent grâce au bénévolat. Geert Lovink, modérateur de la mailing-list nettime.org, l’un des plus anciens médias contributifs par e-mail, y voit un enjeu central : « Personne n’a encore trouvé de business model vraiment viable. Il nous faut réfléchir à des solutions comme les micropaiements. Il faudrait que la monnaie soit propre à Internet et qu’elle ne puisse être échangée dans le monde réel. Mais là, il s’agit d’un chantier énorme qui ne concerne pas que les médias. » Un système de monnaie virtuelle pour financer des sites sans écorner leur liberté de ton ? Pourquoi pas. Mais il ne s’agit que d’une piste. Il reste encore aux médias indépendants à inventer leur modèle de développement durable.
La
province résiste ?
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webzines locaux dissidents ! "" En fouillant bien, on peut en dénicher...
Bourges, son église, son festival de rock et, depuis 1997, son site
dissident. Dommage pour le maire, mais Jean-Michel Pinon, créateur
de
lagitateur.org, a quelques idées pour entamer la rentrée.
Fini les rubriques tapageuses, parfois douteuses, éreintant le premier
magistrat de la ville. En septembre, lapprenti journaliste sattaque
à la campagne municipale. « Ce sera incisif et
vivant. Le Net nous permet de diffuser facilement de linfo alternative
loin du discours des quotidiens régionaux. » Cest presque
un leitmotiv pour les webzines locaux. À Montreuil (93), le Poivron
lance un appel pour le vote des étrangers aux prochaines élections
et décrypte en ligne les conseils municipaux. En
Bretagne, Jacques Henrou, administrateur de tregor.net, un portail alternatif
régional, râle contre la langue de bois des journaux locaux
et met en une un dossier sur les déchets nucléaires. Plus
énervé, le collectif dijonnais Maloka a investi le Net «
pour se servir dun des derniers endroits où il est possible
de rivaliser avec le pouvoir ». Reste à faire des émules.
K.P.
www.lagitateur.org
www.tregor.net
www.chez.com/maloka
www.globenet.org/lepoivron-montreuil/index.html |