Thierrry Vedel, chercheur au Cevipof (Sciences po) travaille sur les usages politiques de l’Internet. Il répond, après Philippe Quéau et Olivier Faure, aux questions de Transfert sur le rôle et l’impact du Réseau après le premier tour de la présidentielle.
Quel rôle, selon vous, l’Internet peut-il jouer pour le second tour des élections ?
Depuis dimanche dernier, il y a un besoin manifeste de parler, de débattre, d’échanger (parfois de se justifier ou de faire son autocritique publique) pour lequel l’Internet est un
vecteur précieux. Jamais les forums politiques n’ont été aussi actifs, même après le 11 septembre. Il est aussi frappant de voir que des adresses e-mail professionnelles
sont utilisées pour diffuser des appels, des communiqués relatifs à l’élection. Avant le 21 avril, j’estimais que moins de 400 000 internautes avaient été, même fugitivement, en contact avec un site ou des rubriques de sites web relatifs a l’élection présidentielle. Et moins de 50 000 internautes avaient consulté régulièrement ce type de sites. Aujourd’hui , la fréquentation des sites politiques a fait un bond.
Je doute cependant que l’Internet, comme d’ailleurs les media en général, ait un impact sur les votes du second tour. Les résultats du 21 avril reflètent des évolutions sociales longues et sans doute une inadéquation des réponses apportées par les partis de gouvernement aux problèmes - réels ou imaginés - d’une partie de la population.
On disait que l’Internet pouvait être un outil de la vie politique, vers plus de démocratie. Y croyez-vous encore ?
Oui, à long terme, l’Internet favorise la démocratie car il est un outil d’accès au savoir et de diffusion des connaissances. Et comme les résultats de dimanche l’ont rappelé une fois encore, un niveau d’éducation élevé favorise le rejet des extrémismes, la tolérance, l’acceptation des différences, l’intérêt pour l’Autre.
D’après le sondage Serveur-CSA/ sortie des urnes, les internautes ont voté à 14 % pour Le Pen (Jospin : 18% et Chirac : 20%). Les internautes sont-ils de droite ?
Diverses enquêtes ont montré que les internautes sont, en général, plus à droite que le reste de la population. Probablement en raison de la sur-représentation des hauts revenus. De même, le niveau d’études plus élevé des internautes explique qu’ils s’intéressent davantage a la politique. Cela dit, la population des internautes, tout en restant encore hétérogène quant aux profils d’usage, tend à ressembler de plus en plus au reste de la population.
Si on a vu un vote plus élevé pour Jospin et moins élevé pour Le Pen chez les internautes c’est sans doute du fait de leur niveau d’études plus élevé, de leur plus grande jeunesse (l’électorat Le Pen sur-représente les personnes âgées et les sans diplôme), et aussi de leur meilleure insertion sociale. Les exclus ne sont pas connectés.