Manipulation d’ADN, culture de steak de grenouille et de peau humaine, hybridation de plantes ? L’exposition "Art biotech" rassemble, jusqu’au 4 mai au Lieu unique de Nantes, une dizaine de créateurs passés maîtres dans l’art de modeler le vivant.
Dans une fiole protégée par une vitre, tel un bijou de valeur, le brésilien Eduardo Kac a recueilli 65 milligrammes d’ADN. Cette poudre blanche obtenue par l’accumulation et le filtrage d’innombrables copies d’un gène de bactérie, promesse de perfection, d’immortalité et de royalties, pourrait symboliser le Graal de la société moderne et marchande. L’artiste a pourtant choisi de mettre en avant son caractère inerte, ironisant sur le fétichisme dont elle est l’objet dans les conseils d’administration et les salles de marché.
"A l’image de cette poudre, nous n’abordons pas les biotechnologies sous l’angle de leur utilité. Nous cherchons à mettre en abîme l’utilisation qui en est faite dans les laboratoires", souligne Jens Hauser, le commissaire de l’exposition. "Au public qui y verrait une simple provocation, les artistes veulent montrer qu’ils lèvent en fait le voile sur un monde clos, celui des laboratoires et des chercheurs", poursuit Marc Grégoire, chercheur à l’Inserm de Nantes, qui assiste le collectif australien Symbiotica sur l’exposition.
Pionniers en mouvement
Peut-on enjamber les barrières entre les espèces ? Quel est le statut de l’animal de laboratoire ? L’homme domine-t-il les autres espèces vivantes ? Telles sont les questions posées par l’exposition. Ni condamnation, ni louange, celle-ci veut interroger la science et aspire à créer ou recréer un dialogue social sur la question des biotechnologies, entre les extrêmes incarnés par José Bové et Raël. "Pénétrer dans cette exposition nécessite d’ailleurs un effort, une participation active de la part du visiteur", souligne Patricia Solini, la responsable des arts plastiques du Lieu unique.
D’un strict point de vue artistique, Jens Hauser insiste sur la légitimité des artistes "à s’interroger sur les technologies de leur temps, et à les utiliser". A l’image du collectif Symbiotica et de ses cultures cellulaires sans gravité, les artistes se sont formés à des procédures scientifiques de haute technicité. "Pour eux, les biotechnologies s’apparentent à un outil qu’ils essaient de s’approprier. En ce sens, ils sont aussi pionniers que les premiers artistes utilisateurs de l’informatique", poursuit Jens Hauser.
L’exposition du Lieu unique constitue une première mondiale. Jamais ces artistes n’avaient été réunis en un même lieu sous la bannière de "l’art biotech". Tous semblent en attendre reconnaissance et visibilité, pour eux-mêmes et pour leur travail collectif. Pour autant, Jens Hauser n’y voit pas forcément la cristallisation d’un mouvement. "Ces artistes sont certes réunis autour de l’utilisation de mêmes outils, mais leurs approches peuvent être radicalement différentes entre, par exemple, le quasi-cynisme d’Eduardo Kac et la démarche poétique et presque positiviste de Joe Davis."
L’expo Art biotech sur le site du Lieu Unique:
http://www.lelieuunique.com/SAISON/...
Le site d’Eduardo Kac:
http://www.kac.org
Le site du collectif Symbiotica:
http://www.symbiotica.uwa.edu.au/
Le site du Lieu Unique:
http://www.lelieuunique.com
Dossier Art biotech (Transfert.net):
http://www.transfert.net/dossier.ph...