Internet développe la parano. Dans certains cas, c’est heureux : on peut mieux se protéger. Dans d’autres, c’est dangereux : quand les Etats se bardent d’un arsenal juridique qui, mal utilisé, peut menacer la démocratie.
On comprend bien leur logique : le numérique, doublé d’Internet, permet tout et n’importe quoi. Un Etat responsable, selon eux, doit s’assurer de pouvoir, à tout moment, préserver ses intérêts et ceux de ses citoyens. Bref, s’il légifère, s’il hérisse des protections légales dans tous les sens, c’est pour notre bien. Et on devrait être content. Voire dire merci.
Allez savoir pourquoi on se méfie ? Pourquoi on est géné quand l’Etat oblige les fournisseurs d’accès à stocker les informations sur les promenades en lignes de leurs clients ? Pourquoi cela démange quand on force les hébergeurs à connaître dans le détail l’identité des auteurs des pages Web ? Tout cela prépare le terrain pour une possible descente policière ou judiciaire.
Certes, quand il s’agit de traquer des pédophiles, on ne peut pas être contre. Au contraire. Mais la technologie n’est pas à sens unique. Elle ne connaît pas la différence entre ce qui est "bien" et ce qui est "mal". Et ce qui sert à traquer les pédophiles ou les terroristes un jour peut servir à surveiller un opposant politique un autre jour. J’exagère ? Nous ne sommes pas dans un Etat policier ? Certes. Et Carole Bouquet (mise sur écoute par L’Elysée à une certaine époque) n’est pas non plus une terroriste notoire.
Que faire alors ? Etre précis. Après tout, ce sont ces textes qui permettront éventuellement au citoyen de se défendre contre un abus. Autant qu’ils soient le plus clair possible. Les policiers et les législateurs défendent leurs textes un peu flous en parlant de "texte global", et en jurant, bien sûr, qu’ils seront appliqués dans l’esprit, pas à la lettre. On préfèrerait un "texte spécialisé". Qu’on sache exactement ce que sera la lettre. Pour ne pas, qu’un jour, quelqu’un perde l’esprit.