Les grandes majors du jeu vidéo abandonnent progressivement le marché du PC, au profit de celui des consoles, attirées par le potentiel commercial des nouvelles générations de machines. Créatifs et ambitieux, les pays de l’Est occupent le terrain. Reportage à Prague, chez 7FX, les programmeurs de Team Factor.
Les stores vénitiens sont coincés, à demi clos, la pièce est sombre, le bureau éclairé par la lumière blafarde d’un néon qui tranche le plafond. à côté de l’ordinateur, le portrait d’un chien et la photo d’une voiture de sport rouge constituent la seule petite touche de couleur de ce local désespérément gris. Le bureau des programmeurs de 7FX est fidèle au cliché que l’on garde des pays d’Europe de l’Est. Pourtant, cet austère studio de développement de jeux vidéo, installé à la périphérie de Prague, en République tchèque, pourrait bien réaliser le prochain best-seller du jeu vidéo sur PC. Ses programmeurs préparent Team Factor, qu’ils vont confronter sans crainte à Counter Strike, le jeu en réseau le plus populaire depuis plus de deux ans. 7FX illustre une tendance actuelle de l’industrie du jeu vidéo sur PC : les développeurs des pays de l’Est sont en train de grignoter le marché.
Les éditeurs occidentaux, qui financent le développement des jeux, préfèrent, eux, se concentrer sur le marché du jeu vidéo console, destiné au grand public, donc potentiellement plus lucratif, plutôt que celui du PC, plus limité. Tributaires de leurs actionnaires - Electronic Arts, Infogrames... -, ils minimisent les risques : la plupart ne s’autorisent à financer sur PC que le développement de titres dépendant de grosses licences du cinéma ou du sport ou les suites des jeux aux ventes records. Dans cette perspective, évidemment, la part de la créativité est plus que réduite.
A l’Est, rien de tout cela. Les studios de développement ne répondent pas à cette logique. Nouveaux sur le marché, dotés de peu de moyens, ils tablent avant tout sur leur créativité pour se démarquer. Le public ne s’y trompe pas : Cossacks, qui met en scène les guerres napoléoniennes, réalisé par le russe GSC, s’est vendu à 100 000 exemplaires en France. Sudden Strike, un jeu de stratégie, développé par Fireglow, russe également, s’est vendu à 70 000 unités en France, et à plus de 600 000 dans le monde. Des chiffres qui rivalisent avec les superproductions occidentales. ...videmment, la liberté a un prix. L’équipe de Cossacks, par exemple, a traversé une longue période de disette avant de trouver un éditeur. Mais dans l’ensemble, ces structures s’en sortent très bien. "Les frais de développement sont moindres, ils peuvent se permettre de mettre une grosse équipe sur un jeu", analyse Cédric Lagarrigue, le directeur commercial et marketing de Focus Home Interactive, distributeur en France de Cossacks et Sudden Strike.
Cette nouvelle vague venue de l’Est n’a pu se lancer qu’après la chute du communisme et l’évolution des mentalités. "Les jeux vidéo ne bénéficiaient d’aucune considération ici, il était impensable de trouver un financement, explique Marek Trefny, principal programmeur de Team Factor. D’ailleurs, les jeux occidentaux étaient interdits du temps de la Tchécoslovaquie. "Les jeunes Tchécoslovaques n’étaient pas pour autant coupés du monde vidéo ludique occidental : "Il suffisait que quelqu’un aille à l’Ouest et ramène en cachette un jeu dans ses bagages. En quelques jours, on trouvait des copies dans tout le pays."
Forts de leur expérience de joueurs, affranchis de la censure, certains se sont lancés. La première production de l’Est à s’être fait remarquer est Hidden & Dangerous, en 1999 : un jeu de tactique militaire, développé par Illusion Softworks, une autre équipe tchèque. Le phénomène s’est répété en Russie, en Pologne, en ex-Allemagne de l’Est, en Croatie... Le salut du PC, condamné à l’Ouest, viendra-t-il de l’un de ces pays ? Pas si sûr : "Je rêve de développer sur console, c’est plus simple", confie Marek Trefny.
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