A.R. Mani supplante Giorgio
La chambre d’arbitrage de l’OMPI a donné raison à un Canadien de Vancouver qui avait déposé Armani.com. L’entreprise textile milanaise comptait récupérer le nom de domaine.
Anand Ramnath Mani a bel et bien raison d’utiliser armani.com. La chambre d’arbitrage de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) vient de rejeter la demande de la firme du couturier italien Giorgio Armani qui exigeait de récupérer le nom de domaine. La décision, relevée par le Journal du Net, dresse le rappel des faits : en janvier 1995, un Canadien dépose le nom de domaine armani.com. Né en Finlande d’un père indien, ce graphiste âgé aujourd’hui de 47 ans avait pris l’habitude de signer A. R. Mani. Le nom de domaine ne lui servira que d’adresse électronique. Quelques mois plus tard, l’entreprise italienne le contacte pour lui faire part de ses griefs. Au bout de deux ans, elle lui propose de racheter le nom pour 1 250 dollars canadiens (environ 7 000 francs). Anand Rathman Mani fait une contre-offre à 2 000 dollars américains (environ 12 000 francs) et demande de pouvoir utiliser "armani.com". Refus d’Armani, qui saisit l’OMPI en 2001. Dans sa décision, l’organisme remarque que le nom de domaine pouvait bien entraîner une confusion avec la marque Armani, mais estime que le Canadien avait un intérêt tout aussi légitime à le déposer. La chambre note que la somme proposée par le graphiste est bien loin de ce que demandaient à l’époque les cybersquatters dans d’autres affaires. L’OMPI reproche par ailleurs aux avocats d’Armani d’avoir cherché à embrouiller ses experts en présentant les faits de manière confuse. La conclusion est des plus fermes : "Armani a tort de croire que le titulaire d’une marque célèbre peut, en toute mauvaise foi, se servir de l’Icann [Internet Corporation for Assigned Names and Numbers] pour déposséder sommairement une personne utilisant son nom et ses initiales comme nom de domaine".
Interview d’Anand Ramnath Mani
Quelle importance accordez-vous à cette affaire ?
Je me bats avec Armani depuis 1995 pour cette histoire de nom de domaine. Autant dire que je suis soulagé qu’elle soit terminée. D’autant plus que jusqu’à l’année dernière, j’ai préféré me défendre moi-même. Ça ne m’a pas coûté énormément d’argent, au plus 10 000 dollars [canadiens, soit environ 50 000 francs]. Mais j’y ai consacré beaucoup de temps.
Pourquoi tenez-vous au nom Armani.com ?
Il faut remettre les choses dans leur contexte. Je pratique le Net depuis 1992 et j’ai d’ailleurs créé un des premiers webzines. En 1994, j’ai entrepris les démarches pour déposer le nom que j’utilisais dans mon travail : A. R. Mani. À l’époque, on trouvait super excitant de pouvoir utiliser son propre nom comme domaine et comme adresse électronique.
Mais vous n’avez jamais créé de site...
Non, car aucun fournisseur d’accès pour particuliers n’aurait accepté de recevoir les milliers de requêtes des internautes croyant se connecter au site de la firme Armani. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé au cours de la négociation de leur céder l’adresse Web tout en gardant mes adresses @armani.com. Ils ont refusé.
Vous avez quand même cherché à négocier. Donc, ce n’était pas totalement une affaire de principes...
Ils m’avaient fait une offre très basse. Je leur ai juste demandé un peu plus pour financer la réimpression de mes cartes de visite. Si j’ai accepté de négocier, c’est sous la menace. Les avocats d’Armani m’avaient dit qu’ils étaient prêts à tout pour récupérer le nom de domaine. Je ne suis pas particulièrement riche et je ne me voyais pas faire face à un procès aux ...tats-Unis.
Pensez-vous que la firme pourrait demander à un juge d’examiner la question, en dépit de l’arbitrage de l’OMPI ?
Je l’ignore, mais je crois que ce serait une très mauvaise publicité pour eux.
Seriez-vous prêt tout de même à leur céder le nom pour un montant raisonnable ?
S’ils me proposaient beaucoup d’argent, j’y réfléchirais.
Portez-vous des habits de la marque Armani ?
J’ai effectivement des habits Armani et j’aime beaucoup leur after-shave. Mais, surtout, je respecte le combat de Giorgio Armani pour un traitement éthique des animaux. Donc, je compte rester client.