À Parthenay, la déculottée municipale de Michel Hervé, ancien maire de cette cité numérique, montre qu’Internet ne parvient pas encore à réconcilier administration et citoyens.
Il faudra bien tirer quelques leçons de la déculottée municipale de Michel Hervé, l’ex-maire de Parthenay. Parthenay ? La cité numérique par excellence : la ville euro-emblème de la e-administration, de la mondiale e-économie, de la locale e-démocratie, de la e-transparente polis et on en passe. « Click City », quoi.
N’en jetons plus : mieux vaut, d’ailleurs, être charitable quand on relit le pathos d’Alain d’Iribarne, consultant sociologue du district des Deux-Sèvres, aux heures fastes. Je cite : « Une approche d’interdépendance complexe entre le technique, l’économique, le social et le culturel, donne à la citoyenneté des Partenaisiens une signification nouvelle. Allant très au-delà de la participation traditionnelle à la chose publique à travers l’élection. » Les électeurs n’ont manifestement rien pigé au concept de l’urne en kit.
Aussi sympathique, créatif, avant-gardiste et méritant soit Michel Hervé, il serait, en tout cas, un peu court de rejeter, comme il le fait, la responsabilité de son échec sur des administrés « ruraux » qui n’ont pas réalisé toute la chance qu’ils avaient d’habiter dans un « in-town-net ». Ça rappelle, de manière désagréable, Lénine traitant les paysans de « sac de patates » parce qu’ils voulaient sauvegarder leurs lopins contre les propositions radicales technocratiques du tout sovkhoze.
71 % de bourrins
Si, comme le relève Libération (1), 29 % des Partenaisiens utilisaient le Net, un chiffre record en France, 11 % se branchaient, en effet, moins d’une fois par mois et 60 % pas du tout, alors que l’accès à la Toile et à l’intranet de la ville était à peu près gratuit. À moins que l’on ne retienne l’hypothèse, un peu excessive tout de même, selon laquelle Parthenay compte 71 % de bourrins, reste cette réflexion triviale d’un des adjoints de la nouvelle équipe municipale : « Pour une ampoule cassée, on transmet la demande à la vitesse de la lumière, via le site de la ville, et l’on attend six mois pour qu’elle soit remplacée. »
Internet ne sert à rien
Au-delà de la polémique – beaucoup de documents administratifs étaient effectivement téléchargeables sur www.district-parthenay.fr –, reste l’essentiel. Il ne sert à rien d’accélérer la vitesse entre le citoyen et le guichetier, si au bout du flux, la machine bureaucratique elle-même reste peu réactive. En attente de redéploiement de ses ressources humaines. Voire inerte. Pour ceux qui jurent que seul le retard de l’ADSL et du haut débit peut expliquer la molle attitude des Français sur le Net, il y a de quoi réfléchir. Soyons lucides. À l’heure actuelle, Internet ne sert à rien pour ses impôts, à rien pour ses PV, à rien pour la plupart des rapports avec la puissance publique, notamment la police. Et à pas grand-chose avec les grandes entreprises qui nous gouvernent. À la différence des Calaisiens ou des Perpignanais, qui peuvent encore rêver d’une technologie « grand soir », les Partenaisiens avaient pu vérifier, in situ, cette indéniable évidence.
Les réformes des blocages français ne passent pas par la révolution numérique. Elles passent par la politique tout court. Avec des emmerdeurs, des vrais. Des gens, des vrais de vrais. Et via des élections qui ne se cliquent pas. À moins de planter.
(1) Libération du 5 avril, Florent Latrive
Guillaume Malaurie est rédacteur en chef au Nouvel Observateur