La dernière intrigue mathématique qui titille les neurones des mathématiciens - une histoire de chapeaux - pourrait bien donner lieu à des développements inattendus en informatique et... en sociologie !
Impair et passe. Le problème du " chapeau ", la dernière intrigue mathématique qui passionne les mathématiciens de la planète, a l’air plutôt bête, comme l’explique le New York Times. Soit trois personnes portant un chapeau dont la couleur, blanc ou noir, a été tirée à pile ou face. Chacune peut voir le bibi des deux autres et doit deviner la couleur du sien.
Esprit d’équipe
Chaque joueur peut soit tenter une réponse - " mon chapeau est noir ! " - soit passer son tour. Le groupe gagne si une personne au moins donne une réponse exacte et que les autres ne se trompent pas. La stratégie la plus intuitive consiste à ce que seul un joueur réponde et réponde toujours la même chose. Ainsi le groupe a 50% de chance de gagner. Mais il y a mieux. En considérant qu’ il existe finalement une chance sur quatre que les trois joueurs possèdent un chapeau de la même couleur, il suffit que chacun d’eux soit attentif aux couleurs portées par les deux autres. Si elles sont identiques, le joueur annonce pour lui la couleur opposée. Si les deux sont de couleurs différentes, le joueur passe. Résultat : 75 % de réussite pour le groupe.
Un jeu sérieux
Les choses se compliquent lorsque le nombre de joueurs augmente. La stratégie doit alors faire appel à des structures plus " élégantes " dans le jargon mathématique (pour le novice, comprendre " plus compliquées "), comme le code de Hamming. Ce code est l’un des chouchous des informaticiens car constitue la base des logiciels de compression de données et de détection d’erreurs dans l’écriture des programmes. Pour le problème du chapeau, des solutions particulières existent, mais la résolution dans le cas général n’a pas encore été trouvée. Les mathématiciens s’engouffrent donc dans une terra incognita ludique. S’ils découvrent de nouvelles solutions, les retombées seront nombreuses, en informatique et ailleurs.
Modèle communautaire
" Ce jeu du chapeau fait naître des réflexions intéressantes en théorie des jeux " analyse Jean-Paul Delahaye, chercheur au Laboratoire d’informatique fondamentale de Lille (LIFL) et auteur de " Jeux mathématiques et mathématiques de jeux ". Il pose en effet le problème de l’optimisation du profit, de la mise en place d’une stratégie et du conflit qui existe entre intérêt individuel et intérêt collectif. C’est un jeu est à " somme non nulle " : ce qui est perdu par l’un n’est pas forcément gagné par l’autre. Pour gagner, mieux vaut s’allier. L’adage n’est pas nouveau et de nombreux divertissements mathématiques, comme " le dilemme des prisonniers ", en sont l’illustration. " Ces modèles ont d’ailleurs été utilisés par les théoriciens de l’évolution des espèces pour expliquer certains comportements ", précise Jean-Paul Delahaye. Parce qu’ils exigent d’élaborer une stratégie, de faire primer le général sur le particulier, ils modélisent même un certain nombre de schémas économiques. L’économie serait - elle un jeu à somme non nulle ?