Red Hat, distributeur de Linux, et les autres acteurs du secteur sont en difficulté.
Linux n’est peut-être pas une mine d’or. Pour les milliers de programmeurs qui développent bénévolement les logiciels libres, ce n’est sûrement pas une découverte. Pour le secteur économique qui s’est construit autour de Linux, appliquer un business plan viable est un casse-tête. À mesure que Linux a conquis des parts de marché, jusqu’à inquiéter le monstre Microsoft, des entreprises ont basé leur développement sur la distribution du système d’exploitation en open source, la simplification des procédures d’installation, le consulting ou la programmation. Portées aux nues durant l’âge d’or du Nasdaq, elles ont bu la tasse comme les autres. Coté 139 dollars fin 1999, le titre de Red Hat, le leader du secteur, pointe aujourd’hui à 5,45 dollars.
Le 6 avril dernier, le projet SourceXchange annonçait qu’il mettait fin à ses activités. Créé par la maison d’édition O’Reilly et Hewlett Packard en 1999, il mettait en relation les programmeurs de la communauté open source et les grands groupes, en prenant une commission au passage. Malgré des clients comme Sun, Oracle, Motorola et même Hewlett Packard, SourceXchange considère que son marché était tout simplement trop petit. Cette nouvelle a suivi de peu l’annonce d’une autre disparition dans le monde du libre : le 30 mars, Zelerate licenciait 50 de ses 55 employés. Cette société américaine, qui commercialisait un logiciel open source d’ecommerce, n’a pu faire face à la dégringolade du secteur. Maigre consolation, Akopia, le concurrent de Zelerate, n’a pas davantage résisté et a été racheté par Red hat. Quant à Ars Digita, qui commercialise lui aussi du logiciel libre pour les sites d’ecommerce, il a revu le 5 avril son business plan de fond en comble. Après avoir licencié 29 employés et vu son fondateur démissionner, la start-up compte migrer vers le marché du logiciel propriétaire et tirer des revenus des licences. Si le profit arrive enfin, c’est l’open source qui ne sera plus là.
Leader de l’open source marchand, Red Hat a voulu se dissocier de cette série noire. La société vient d’annoncer être passé à l’équilibre pour le premier trimestre 2001, surpassant ainsi les prévisions des analystes. Perfides, ces derniers se sont empressés de rappeler que ces bons résultats étaient principalement dus à l’acquisition de Planning Technologies en février. Cette société de consulting américaine a fait passer l’effectif de Red Hat de 500 à 700 employés, mais a surtout apporté 5,5 millions de dollars de chiffre d’affaires à des comptes déficitaires. Fondé en 1999, Red Hat souffre, comme les autres, du ralentissement de la vente des PC et de celle des serveurs, une cible privilégiée de Linux. Des rumeurs courent également sur des licenciements imminents et Red Hat vient d’être attaqué par des petits actionnaires qui lui reprochent d’avoir caché des informations sur son montage financier lors de son introduction au Nasdaq en 1999.
L’avenir n’est guère plus réjouissant. L’engouement général pour l’open source a amené sur ce terrain des concurrents de poids comme IBM ou Hewlett-Packard, dont les reins et les services clients sont solides. Et Linux, qui n’est toujours pas très facile d’accès pour monsieur tout le monde vient, avec Mac OS X, de voir arriver le premier de ses concurrents utilisant lui aussi un noyau dérivé de l’environnement Unix, réputé très stable. En proie au doute qui ronge la plupart des start-ups, Red Hat n’échappe donc pas à la fameuse "adaptation du business plan". Ne sachant pas vraiment sur quel pied danser pour sa stratégie en ligne, elle propose depuis mars 2001 de télécharger les mises à jour de Linux en ligne contre un abonnement payant, intitulé Red Hat Network. Dans son analyse trimestrielle, Melanie Hollands, qui suit la valeur Red Hat pour Merrill Lynch, note sobrement : "L’expansion de Linux ne signifie pas forcément croissance pour l’entreprise."