Au total, plus de 600 personnes se bousculent au pavillon d’Armenonville à Paris, pour désigner à partir d’une pré-sélection - les "Best 40’s" - les start-ups les plus prometteuses. Côté vestimentaire, peu de fantaisie si ce n’est la couleur des badges que les "invités" (8708,22 francs TTC pour l’inscription) arborent autour du cou : bleu pour la presse, rouge pour les start-ups, jaune pour les investisseurs et vert pour les consultants. "Pour le reste, le look Jean-Paul Gaultier, très présent lors de l’édition de mars dernier, a disparu", se félicite un investisseur. L’austère costume-cravate fait un retour en force, illustrant, s’il en était encore besoin, la reprise en main des affaires par les "vrais" professionnels.
" Moins de risques "
Capital IT évite les écueils des First Tuesdays, souvent décrits comme un rassemblement de curieux plutôt qu’un vrai lieu de business. "Ici, c’est payant, ça évite d’avoir un deuxième année de DEUG qui vient vous vendre un projet de marketplace ou, pire, un Arthur Andersen qui veut révolutionner le B to B après un stage de deux jours dans la sidérurgie", se félicite l’investisseur Régis Saleur de SEEFT Management. Mais, du coup, les dossiers pré-sélectionnés ne donnent pas non plus dans la fantaisie. "Il y a six mois, je ne connaissais pas les trois-quarts des projets, aujourd’hui, c’est l’inverse. Le comité de sélection a eu une approche un peu trop commerciale", explique, déçu, Régis Saleur. "Auparavant, on avait des modèles sur lesquels on pariait, ici on rationalise le milieu. Après l’effervescence autour des sites de contenu qui visaient une rentabilité à deux ou trois ans, on revient à une logique plus professionnelle. Internet c’est avant tout des tuyaux. C’est là que se situe la croissance", observe Jacques-Henry Piot, associé chez Chausson Finance, le principal leveur de fonds français. De fait, le cru apparaît très marqué "technologies", la nouvelle mode qui a supplanté le "B to C" puis le "B to B". Guillaume Besse, sélectionné pour son agrégateur de contenus Nfactory, confirme : "Il y a beaucoup moins de dotcoms, les investisseurs veulent prendre moins de risques. Tous sont tout de même contents d’être là, moins pour les présentations officielles que pour les contacts noués dans les couloirs."
Super Zen
Seul événement visible de détente, la salle Super Zen, où deux pros initient les stressés aux massages chinois : "+ énergie + motivation + efficacité - stress". Curieux, un "jaune" américain vient comparer le shiatsu aux massages californiens, que "chacun gère seul, souvent dans son club de fitness". Deux français ont tombé la veste pour se faire presser les points vitaux dans un calme olympien. Au bout de dix minutes, ils ressortent liquéfiés mais heureux, sûrement prêts à répandre la bonne parole Super Zen dans leur start-up. "Tous sont accros dès qu’ils ont découvert, surtout s’ils travaillent sur ordinateur, explique une masseuse. Ça aide pour passer des contrats directement avec les directions." Il en coûte 4 500 F pour "ramollir" douze employés une fois par semaine pendant un mois.
Salle d’attente avant "l’ascenseur"
Dans la salle de presse et dans les couloirs, les candidats cherchent un peu de calme pour répéter leur elevator pitch. En français ou en anglais, cet "ascenseur" constitue pour un patron de start-up, le moyen de séduire le parterre d’investisseurs. Alignés en rang d’oignon, ils défilent par groupes de dix sur la scène. Chacun dispose d’une minute montre en main pour présenter sa start-up, sous l’œil amusé des appariteurs. Pendant que les diapositives défilent sur grand écran, les orateurs guettent des yeux les signaux stratégiques de leurs collègues-complices disséminés dans la salle, pour réussir à tenir dans les temps. Pour les plus lents, la sanction est sans pitié : affublés d’un costume queue-de-pie et d’un chapeau haut-de-forme, les appariteurs brandissent de gigantesques ciseaux en plastique rose bonbon dès que le candidat dépasse la minute impartie. Stress garanti. La salle, elle, jubile.
À l’affût du winner
Pour les start-ups, cet elevator pitch n’a rien d’une récréation. De la qualité du discours dépend la présence des investisseurs et de la presse lors des présentations officielles, puis des Break-out sessions. Pendant une vingtaine de minutes, ces sessions plus confidentielles permettent aux dirigeants de répondre aux questions des quelques investisseurs encore motivés après le déjeuner - sérieux et modérément arrosé - offert par Goldman Sachs. Aujourd’hui, Comedia, Smart Canal et Amoweba, entre autres, ont attiré l’attention. La première a joué le rôle de grain de fantaisie grâce à son concept de roman interactif personnalisé. Grâce à sa marque monroman.net, Comedia compte s’attaquer par la France à un "marché potentiel de deux milliards d’humains". Besoin du jour : 5 millions d’euros. Bien moins innovant, mais empreinte d’une culture de business à l’américaine, Smartcanal est venue vanter les mérites d’un marché peu connu de ce côté-ci de l’Atlantique : le corporate e-learning. Créée en février 2000 sur le modèle de l’américain Digital Think, Smartcanal pratique la formation professionnelle par le Web, l’Intranet ou l’Extranet. Amoweba, enfin, a dévoilé un moteur de recherche de troisième génération. Son mode de fonctionnement - en peer-to-peer - en fait sa particularité et n’a pas manqué de piquer au vif des investisseurs à l’affût du winner. Avant de connaître le "Best of the quarante", il faut encore suivre les présentations de mercredi et le vote final à 18 heures.