Le Parlement européen examine cette semaine une résolution dénonçant l’accord de Safe Harbor sur les données personnelles, conclu entre la Commission de Bruxelles et les ...tats-Unis.
Lire l’interview d’Elena Paciotti, députée socialiste à Strasbourg.
Le commissaire européen chargé du marché intérieur s’enthousiasmait, en mars dernier, de l’accord conclu avec les ...tats-Unis sur la protection des données personnelles. Celui-ci portait sur un marché juteux : la revente à des entreprises américaines des fichiers de données personnelles, collectés par les sociétés européennes. Dans ce domaine, une directive communautaire exige que le pays tiers présente des garanties identiques à celles de l’Union.
"Cet accord devrait être opérationnel à l’automne", annonçait le Hollandais Frits Bolkestein, commissaire européen, à propos du Safe Harbor. En fait, les procédures d’approbation pourraient prendre plus de temps si le Parlement européen adopte, cette semaine, la résolution proposée par la Commission des libertés et des droits des citoyens. Défendu par la députée européenne italienne Elena Paciotti (parti des socialistes européens), le texte réclame à la Commission de Bruxelles une révision de la négociation.
Engagement de principe
Aux ...tats-Unis, les garanties sur la protection des données personnelles n’existent pas. Des entreprises sont même fréquemment montrées du doigt pour l’utilisation peu scrupuleuse qu’elles en font. Attirés par les clients potentiels pour leurs boutiques en ligne, les ...tats-Unis ont donc proposé à Bruxelles, il y a deux ans, un accord appelé Safe Harbor, ce que l’on peut traduire par "sphère de sécurité". Les entreprises américaines adhérant à ce principe apparaîtraient alors comme des "zones sûres" aux yeux des Européens qui leur vendraient des fichiers. Pour se réclamer du Safe Harbor, les sociétés américaines s’engageraient publiquement à en respecter les principes. Conscient du caractère angélique de cette profession de foi, le ministère américain du Commerce a promis que des dispositions législatives préciseraient le cadre de cette autorégulation. Des organismes privés seraient même chargés de vérifier comment les sociétés appliquent ces principes.
Obligation de réparation
À Strasbourg, la commission des libertés et des droits des citoyens s’est saisie du dossier et a tiré la sonnette d’alarme. Elle demande la révision du texte, jugeant insuffisantes les garanties données aux citoyens européens. Le système de protection, selon elle, devrait inclure un moyen de recours accessible à tout individu membre de l’Union et l’obligation, pour les entreprises fautives, de réparer tout dommage entraîné par la violation des principes. Les auteurs du texte réclament, en outre, un contrôle a posteriori de l’efficacité du système.
Cette "contre-résolution" de la commission parlementaire a-t-elle ses chances ? D’après Olivier Duhamel, eurodéputé socialiste, "des compromis ayant été passés avec le PPE (la droite européenne), il y a de très fortes chances que le texte soit adopté ". Le Parlement se risquerait donc à heurter de front la Commission ?
« Bruxelles a obtenu beaucoup sur les principes, pas grand-chose sur leur application »
Elena PaciottiDR |
Elena Paciotti, députée socialiste à Strasbourg, est rapporteur de la résolution critiquant le Safe Harbor. Interview.
Vous critiquez la négociation menée par les Européens ou le système de protection américain dans son ensemble ?
Bien évidemment, le système américain ne nous convient pas. Sinon il n’y aurait pas besoin de négocier. La Commission européenne devant veiller à la protection des citoyens européens, il y avait deux moyens de garantir la bonne utilisation des données personnelles. Soit établir des contrats types. Soit, proposition américaine, créer un système d’autorégulation de la part des entreprises. Nous estimons que celui-ci offre des garanties insuffisantes.
Pourquoi ?
Il manque une autorité de tutelle qui garantisse la réparation et les recours en cas de non-respect des droits d’un citoyen européen. Mais aux ...tats-Unis, il n’y a pas de juge ou d’autorité indépendante capable de déterminer s’il y a une violation des droits des citoyens de l’Union. Il existe la Free Trade Commission, mais la probabilité, pour un européen, de voir sa plainte reçue est quasiment nulle. D’autant que le secteur financier est exclu des compétences de la FTC.
Pourquoi la Commission a-t-elle si mal négocié ?
Il y a eu des mois et des mois de tractations. La Commission a obtenu beaucoup sur le plan des principes, puisque les ...tats-Unis partaient de zéro. Ils sont tombés d’accord sur des garanties qui ressemblent aux nôtres, ce qui est inhabituel pour les ...tats-Unis. Mais Bruxelles n’a pas obtenu grand chose concernant les garanties d’application. Le système demeure dépendant de la bonne volonté des entreprises.
La résolution de la Commission parlementaire des libertés et des droits des citoyens:
http://lambda.eu.org/6xx/safeharb-f...
L’accord du Safe Harbor en PDF (en anglais):
http://europa.eu.int/comm/internal_...
La position du commissaire européen Fritz Bolkestein sur le Safe Harbor:
http://europa.eu.int/comm/internal_...