"Nous sommes heureux de vous rencontrer pour discuter ensemble de votre vision de l’Internet et de l’avenir d’Oreka." Il est 18h30, ce mardi 16 janvier, le chat va commencer. En bas à droite de l’écran, une photo montre David Bitton, le PDG d’Oreka, souriant, l’air confiant. C’est lui qui va répondre aux questions des abonnés, pour la plupart mécontents du passage de l’offre d’Internet gratuit de 18 à 6 heures par mois.
Décidément, le chat est à la mode chez les dirigeants de société. Début octobre 2000, Pierre Besnainou, le PDG de Liberty Surf, récemment racheté par Tiscali, chatait pour justifier la chute du cours de Bourse de son entreprise. Le 25 octobre, Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi, utilisait le même moyen pour expliquer la fusion du groupe avec Universal. Le 19 décembre, les techniciens du fournisseur d’accès Mangoosta se servaient également du chat pour rassurer des clients qui subissaient de multiples déconnexions. Et ce mardi, c’était au tour d’Oreka d’établir une relation directe avec ses abonnés.
Les entreprises investissent donc massivement ce moyen de communication propre à Internet pour remédier aux situations de crise. "Le chat concerne directement les internautes, car ils apprécient l’interactivité", explique Didier Heiderich, consultant en marketing et communication de crise dans la société KSIOPA.
Chat ou hotline
Oreka a utilisé le chat pour "éviter la langue de bois", comme l’a rappelé Sophie Oberkampf, chargée de communication de la société. Aux questions portant sur la situation financière d’Oreka, David Bitton a répondu avec précision : "Nous avons 6 millions de francs de chiffre d’affaires par mois et des dépenses de l’ordre de 10 millions de francs. Le planning actuel de la levée de fonds a été entièrement révisé par les investisseurs, nous obligeant à modifier l’offre pour l’ensemble de nos abonnés. Il nous reste encore assez de cash pour que vous puissiez surfer gratuitement ce mois-ci !" Est-ce assez pour rassurer des abonnés mécontents de la division par trois de leur temps de surf gratuit ? "Non, répond David Heiderich. Car dans un cas comme celui-ci, toute une frange d’internautes a dû se sentir frustrée de ne pas pouvoir dialoguer directement avec David Bitton. Une hotline téléphonique m’aurait semblé plus appropriée pour résoudre le problème."
Du politiquement correct
En une heure et demie, seule une vingtaine de questions a été posée, alors que 1 700 personnes participaient au chat. Beaucoup ont d’ailleurs eu le sentiment d’une vaste mascarade, les questions n’étant pas toujours posées par des chatteurs identifiés. "Certaines questions avaient été envoyées quelques jours à l’avance", explique Sophie Oberkampf. Ce qui explique peut-être pourquoi, au final, le chat n’a pas vraiment franchi la barre du " politiquement correct ". "Parfois il faut savoir accepter les questions les plus véhémentes, les plus dures dans leur formulation, et y répondre intelligemment, note Didier Heyderich. C’est à ce prix seulement que la transparence prend tout son sens."
Chez Oreka, on juge pourtant l’expérience incontestablement positive, et d’autres chats pourraient avoir lieu prochainement : "Pour nous c’est un très bon moyen de connaître le sentiment des internautes sur des questions majeures", confie Sophie Oberkampf. C’est également un moyen, pour la start-up, de pousser ses propres coups de gueule. En effet, David Bitton ne s’est pas privé de sermonner une partie des abonnés, jugés infidèles : "Si les heures de surf, au-delà des six premières gratuites de notre forfait, étaient consommées sur Oreka et non pas sur d’autres fournisseurs d’accès, cela contribuerait largement à imposer notre modèle."