Alain Tassy est directeur des opérations pour le Sud-Est de l’Europe chez WorldCom. WorldCom propose des télécommunications haut débit aux entreprises. Après une période marquée par les acquisitions, dont celle de Uunet, leader mondial d’Internet, le groupe se concentre sur le déploiement de son réseau européen. L’opérateur américain est présent en France, mais a renoncé à profiter du dégroupage de la paire de cuivre et à l’attribution de licences pour la boucle locale radio dans l’Hexagone. En revanche, il est client des opérateurs locaux. Selon Alain Tassy, le dégroupage est, de fait, une illusion.
Pourquoi WorldCom se plaint-il des conditions actuelles du dégroupage ?
Avec le dégroupage des lignes de cuivre, je pensais que je pourrais amener Internet chez mes clients à moindre coût. En novembre 1999, quand France Télécom a lancé son offre ADSL, Netissimo, j’ai d’ailleurs été l’un des premiers à y souscrire. Depuis, je me suis rendu compte que le premier opérateur français utilise l’ADSL pour bloquer la concurrence et non pour déployer le marché. Sa stratégie consiste à gagner du temps. France Télécom explique que l’ADSL est dégroupé et en profite pour ne pas distribuer les liaisons louées. Résultat : le prix de ces dernières a cessé de diminuer en l’an 2000. Alors qu’en Allemagne, il était en chute libre ! Or moi, mes clients, ce sont des entreprises : ils ne veulent pas de l’ADSL, mais des liaisons spécialisées.
Est-ce que la situation française est particulière au sein de l’Europe ?
Il y a un bon élève en Europe, c’est l’Allemagne. Nous avons commencé nos opérations là-bas en 2000 seulement, mais aujourd’hui nous avons un produit ADSL en vente. Le problème français vient du fait que France Télécom, au lieu de nous considérer comme des clients, nous prend pour des concurrents. Alors qu’en Suisse, Swisscom m’autorise à mettre gratuitement mes équipements dans ses locaux, car je suis son client, France Télécom me facture, en plus du prix du service, un prix d’encombrement au mètre carré dans ses centraux...
Comment se traduit cette relation difficile avec votre fournisseur concurrent France Télécom ?
France Télécom a changé ses conditions générales de vente à notre égard du jour au lendemain, sans prévenir, en juin 2001. Dans ce cadre, les règles qui fixaient le montant des pénalités pour un défaut dans la qualité ont aussi été modifiées : avant, France Télécom devait payer 100 à 200.000 francs par mois. Auoiurd’hui, c’est 40.000 francs ! Et quand l’un de mes clients pâtit d’un mauvais service, moi, derrière, je paie des pénalités pour de bon...
Quelle solution suggérez-vous pour améliorer les conditions du dégroupage ?
Avec plusieurs industriels, nous avons envoyé une lettre ouverte aux commissaires européens Mario Monti et Paavo Liikanen. Nous constatons que le régulateur (notamment la Commission européenne) a bien fait son job, mais que l’exécution ne suit pas. De plus, les disparités nationales nous empêchent de proposer une offre intégrée sur tout le continent, ce qui nous permettrait de faire des économies d’échelle. Le produit délivré à mes clients doit être le même partout en Europe. On se demande pourquoi on fait l’euro si on ne peut pas obtenir cela. Nous exposons nos demandes en quatre points. D’abord, que les prix baissent de la même façon partout. Ensuite, que les délais de production soient respectés. Aujourd’hui, le régulateur n’a pas les moyens d’appliquer sa politique. Quand on saisit l’ART( Autorité de régulation des télécommunications), elle nous répond, ce qui est déjà mieux que lorsqu’on s’adresse à France Télécom, mais son avis n’est pas toujours suivi d’effet. Troisième point, nous exigeons des engagements clairs en termes de qualité de service. Enfin, nous souhaitons un allègement des contraintes administratives pour installer de la fibre optique dans les bâtiments. En Suède, il existe une volonté politique en ce sens, mais en France, il nous faut des mois de paperasses et de délais pour creuser la moindre tranchée dans la voie publique. En somme, nous ne demandons pas de l’argent pour faire notre métier, mais une ouverture du marché et une unification européenne.
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