Multimania vient de fermer un site personnel consacré à Charles Pasqua, à la suite d’une ordonnance du tribunal de grande instance de Paris.
Quand les querelles politiques prennent place sur le Net, les esprits s’échauffent et les hébergeurs trinquent. C’est à peu de choses près ce qui arrive à Multimania, le prestataire technique malchanceux (pour cette fois) d’un site personnel de mauvais goût entièrement dédié à Charles Pasqua. Le 28 juin, Multimania a en effet fermé provisoirement ce site, à la suite de l’ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Paris. Une décision qui intervient presque trois mois après les débuts de l’affaire et après trois audiences successives en référé devant le tribunal de grande instance de Paris.
Un site qui dérange
C’est en mars dernier que Virginie Vallé, la responsable du site du RPF (Rassemblement pour la France, le mouvement formé par Charles Pasqua et Philippe de Villiers) découvre l’existence d’un site personnel s’attaquant avec virulence à la vie, à l’œuvre et aux idées du député européen, président du Conseil général des Hauts-de-Seine. L’auteur des pages a fait son auto-promotion en envoyant l’URL (adresse Internet) de son site directement vers la messagerie du RPF et sur des forums de discussion privés. Seulement voilà, après visite du site, l’équipe de Charles Pasqua apprécie modérément de voir l’élu traité de "souverainiste en peau de lapin" et de "piètre gestionnaire de l’argent public". De même que le Conseil général des Hauts-de-Seine n’entend pas voir son logo détourné. Une action est alors entreprise pour fermer le site hébergé par Multimania. Faute, évidemment, de connaître l’identité de l’auteur, et bien que la plainte n’engage pas la responsabilité de Multimania, l’hébergeur est assigné en référé le 21 avril 2000 pour diffamation et contrefaçon. Après une première audience qui a lieu devant le juge Jean-Jacques Gomez (le 11 mai), Multimania récupère les coordonnées de l’auteur et les communique au plaignant. C’est là que l’affaire commence à prendre des allures de règlement de compte politique.
Journaliste indépendant ou militant mégretiste ?
Dans un mail envoyé à l’hébergeur, l’auteur se présente comme un "journaliste indépendant ayant collaboré à différents journaux sans avoir été jamais censuré". À l’inverse, dans les messages échangés avec la responsable sur site du RPF, il se dit militant MNR (Mouvement national républicain, présidé par Bruno Mégret) sous le pseudonyme de Tingaud. L’auteur ne semble pourtant assumer aucune de ces identités supposées. Le 5 juin, Valérie Sédallian, l’avocate de Multimania et Edgar Vincensini, celui de Pasqua, se retrouvent à nouveau seuls face au juge. Entre temps, le RPF mène l’enquête.
Un document interne du MNR
Un des militants parvient à se procurer un document interne du MNR par la main même d’un adhérent mégretiste. Après examen, les ressemblances entre les propos du site incriminé et la propagande du parti sont pour le moins troublantes. Est-ce un hasard si la qualification de "souverainiste en peau de Lapin" se retrouve dans le document, tout comme celle de "vulgaire socialiste" ? Et si des paragraphes entiers se retrouvent reproduits à l’identiques ? Pour Edgar Vincensini, il n’y a pas de doute : "L’auteur est un militant MNR qui n’a pas le courage de ses opinions. Sous l’apparence d’un site satirique, l’auteur véhicule la propagande du MNR avec en plus des connotations racistes." De leur côté, les mégretistes profitent de l’occasion pour semer la discorde. "Nous sommes au courant de cette histoire par le biais du forum du RPF. Mais il ne faut pas écarter l’hypothèse d’une opération du RPF" ironise Grégoire Pingaud, le directeur de cabinet de Jean-Yves Le Gallou (délégué général du mouvement).
Quid de l’auteur ?
Ses propos s’avèrent nettement plus imprécis au sujet de l’existence du document du MNR sur Charles Pasqua. "Il est révélateur que Pasqua perde son temps à poursuivre un site critique. Même si ce site reprend tout ou partie des écrits qui nous sont attribués, chacun est libre d’exprimer ses idées" ajoute-t-il, tout en affirmant ne pas connaître l’auteur du site. Car l’auteur anonyme répondant au pseudo de Tingaud, s’est bien gardé d’apparaître à la troisième audience du tribunal. Cette absence embarrasse le juge : comment statuer sur la demande de fermeture d’un site en l’absence de son responsable ? C’est pourquoi, mercredi 28 juin, Jean-Jacques Gomez a décidé de trancher en ordonnant la fermeture provisoire du site et la notification de cette décision à l’intéressé. "Pour susciter sa présence" a-t-il complété. L’avocat de Charles Pasqua envisage également de poursuivre le responsable au pénal. Cette fois-ci, le "Web-militant-journaliste" sera bien forcé de se manifester.