Michel Sapin a lancé le second grand chantier de l’e-administration. Un pari sur l’amélioration des rapports entre les Français et leur administration, par la magie d’Internet. Mais il faudra garantir l’étanchéité des échanges des données qui y transiteront en 2005.
Ils étaient trois, sagement attablés de part et d’autre de Michel Sapin, ministre de la Fonction publique. Ce dernier présentait, jeudi 15 novembre, la phase 2 de son plan de modernisation de l’administration entouré d’une brochette inhabituelle : un haut magistrat honoraire, un préfet, et un professeur de sociologie. Dans l’ordre, Pierre Truche, président de la commission nationale de sécurité de la déontologie, ancien " premier " de la Cour de cassation, Jean-Paul Faugère, préfet de Vendée, Patrice Flichy, professeur de sociologie à l’université de Marne la Vallée. Trois, c’est assez pour former une commission. Et ça tombe bien parce que, justement, Michel Sapin leur a demandé d’en former une. Objet : rédiger un livre blanc sur la protection des données personnelles des Français quand ils utiliseront les services en ligne annoncés par le gouvernement pour 2005.
La CNIL crispée
Car d’ici quatre ans, l’administration électronique devrait devenir réalité. Si, aujourd’hui, a expliqué Michel Sapin, Internet permet de faciliter quelques démarches - l’obtention d’une fiche de casier judiciaire, le paiement des impôts, etc. - il faut, pour autant, surfer d’un site public à l’autre pour le faire. Le projet nouveau, l’e-administration phase 2, s’appelle " Mon service public.fr ". Un cyber-guichet personnel, à partir duquel il sera possible de communiquer avec toutes les administrations en ligne. Et qui disposera d’un " coffre-fort électronique " permettant de " stocker en toute sécurité les résultats de ses recherches ", a précisé Michel Sapin.
C’est sur cette promesse de sécurité que, bien sûr, le bât blesse. D’abord parce que les utilisateurs des services en ligne s’avèrent, particulièrement en France, peu confiants lorsqu’il s’agit de faire circuler des informations personnelles sur le Web. Ensuite par ce que les administrations seront amenées, à terme, à échanger elles-mêmes ces données entre elles, pour coordonner les réponses à apporter aux usagers. S’assurer, par exemple, qu’en cas de déménagement, l’inscription des enfants à l’école, le changement de centre de sécurité sociale, l’enregistrement de la nouvelle adresse par les impôts, ont bien été pris en compte.
La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a toujours été très opposée aux échanges de fichiers inter-administrations. Elle s’est, raconte un observateur, " crispée l’été dernier, quand Michel Sapin a lancé l’idée du coffre-fort électronique ". D’où l’idée d’une commission indépendante, chargée de réfléchir au sujet, sans se retrouver pieds et poings liés avec le gendarme des fichiers. " Bien entendu, la CNIL sera associée à la préparation de cette démarche que nous avons voulue la plus neutre, la plus objective et la plus compétente possible, grâce à une commission indépendante ", a indiqué Michel Sapin, comme dans un message codé de bonne volonté.
Remise de copie
Le programme de remise de la copie sur cet aspect épineux de la réforme de l’administration est resserré. Première réunion de la commission ce lundi 19 novembre. Rapport en février 2002. Consultation publique jusqu’en septembre de la même année...sauf vents électoraux contraires. Flou artistique, en revanche, sur qui sera consulté et comment. Les internautes habitués de l’outil ? La sollicitation du Forum des droits sur l’Internet ? La création de sites de débats ad hoc ? La consultation des associations ? Mystère et boules de gomme. " Les réflexions seront communiquées à la mission ", a dit Michel Sapin. Pierre Truche, lui, a confessé être d’ores et déjà troublé par "l ’ampleur des débats posés par la protection des libertés confrontées à la mise en œuvre des nouvelles technologies".