Lors du dernier Conseil des ministres Télécom, les quinze n’ont pas réussi à s’accorder sur la politique à adopter en matière de publicité par courrier électronique.
Opt-in ou opt-out ? Demander la permission ou attendre que l’on s’oppose. C’est la question sur laquelle se cristallisent les conflits dans les divers pays où se prépare une réglementation sur l’envoi de courriels publicitaires non sollicités. Au sein de l’Union européenne, elle fait l’objet d’un désaccord, manifesté lors du conseil des ministres des Télécommunications, qui s’est réuni à Stockholm la semaine du 25 juin. D’un côté, la France, le Royaume-Uni, l’Irlande et le Luxembourg, qui ne souhaitent pas que le courrier électronique soit ajouté à la liste des techniques requérant le consentement préalable des citoyens avant tout envoi de publicité non demandée. Ils estiment suffisant le schéma de l’opt-out, où l’internaute s’oppose à recevoir tout nouveau courrier. La liste en question figure dans la directive télécom(1), en cours de révision. En face de ces quatre pays, les onze autres membres de l’Union, à l’inverse, sont favorables à l’opt-in. Adoptée il y a peu, la directive sur le commerce électronique laissait le choix entre les deux options.
Pas forcément rentable
La France semble rompre avec la tradition. Elle qui s’est toujours targuée d’un rôle précurseur en matière de protection de la vie privée avec la loi de 1978 dite "Informatique et libertés", prend cette fois-ci le parti des commerçants. Principale justification avancée par les représentants du gouvernement : une législation trop contraignante serait nuisible aux PME, qui ne bénéficient pas a priori de fichiers clients très fournis. Récemment, le secrétaire d’...tat à l’Industrie, Christian Pierret, déclarait à la presse qu’il ne fallait pas "être publiphobe, la publicité [faisant] partie de la vie de tous les jours". Mais qui s’oppose vraiment au consentement préalable à l’envoi de courriers électronique ? Parmi les lobbies les plus actifs à Bruxelles sont souvent cités les professionnels du marketing direct. Avant les commerçants. Pour Caroline Ayad, porte-parole du Bureau Européen des Unions de Consommateurs (BEUC), le consentement préalable au démarchage publicitaire sert aussi les entreprises "car les internautes en auront assez de perdre du temps et de l’argent à recevoir des mails sauvages et finiront par bouder le commerce en ligne". L’avocat ...tienne Drouard, du cabinet Gide-Loyrette-Nouel, renchérit : "Il est beaucoup plus rentable pour les entreprises de détenir un fichier de clients ayant consenti à en faire partie, qui sera de facto mieux ciblé."
Registres d’opposition
Le choix de l’opposition a posteriori (opt-out), minoritaire en Europe, est d’autant plus critiqué qu’il s’appuie sur un système de registres d’opposition, préconisé par la directive sur le commerce électronique (et repris par la France dans le projet LSI). Registres que les commerçants seraient obligés de consulter avant de lancer une campagne de démarchage individuel. Mais beaucoup estiment que le système est inapplicable, car aucune disposition n’indique qu’il y aura une centralisation des registres. Pour ...tienne Drouard, il serait plus réaliste de s’en tenir à une relation bilatérale entre le commerçant et l’internaute, où celui-ci donnerait à chaque fois son consentement préalable. Pour l’instant, une majorité d’...tats européens s’en tient à cette conception, certains comme l’Allemagne ou l’Italie ayant déjà adopté des mesures de type opt-in. Au plan communautaire, la balle est pour l’instant dans le camp du Parlement européen qui donnera, début septembre, sa position sur le sujet. Le Conseil des ministres devra ensuite émettre une position commune, qui sera soumise aux eurodéputés. À Bruxelles, on assure que le "paquet de réglementation télécom" devrait être adopté d’ici à la fin de l’année.
(1) Directive européenne sur la protection des données et de la vie privée en matière de communications électroniques.
Le site des consommateurs européens:
http://www.beuc.org