L’antique Société des auteurs et compositeurs dramatiques lance un incubateur-maison pour les créations d’auteurs multimédias. Son appel à projets est en ligne aujourd’hui.
Solveig Godeluck |
Vous
êtes auteur, vous avez des projets créatifs
? Venez chercher des fonds et des conseils chez Initial
Cut, qui lance aujourd’hui un appel à projets
sur son site. Six catégories de projets sont
éligibles : télévision interactive,
programmes et jeux voire jouets interactifs, jeux
d’aventure à personnages "intelligents"
pour les nouvelles générations de consoles,
animation interactive pour le haut débit, divertissements
interactifs pour le Web (expériences communautaires),
DVD-Rom. Vous pouvez déposer votre candidature
jusqu’au 23 juin et les résultats de la sélection
seront connus le 16 octobre. N’importe quel auteur
peut y participer, sans considération de nationalité,
de pays de résidence, et même s’il
n’a pas encore d’éditeur ou de producteur.
Le nom d’Initial Cut a été choisi
en clin d’œil au "final cut" du
cinéma, la "dernière coupe"
au montage d’un film, pour décider si,
par exemple, le héros doit mourir à
la fin. Et cette prérogative fait l’objet
d’une querelle vieille comme le ciné entre
les directeurs de studios et les réalisateurs.
Daniel Kapelian, l’un des deux initiateurs de
la société, en rit : "Initial
Cut, c’est le premier cut pris sur un projet.
Mais c’est plutôt une bonne coupe..."
Effectivement, avec un budget moyen de 200 000 F par
projet, et un suivi éditorial, juridique, technique,
financier, pour chacun des dix lauréats de
l’année 2000, les auteurs ne vont pas
se plaindre !
La SACD prend des risques
Initial Cut se positionne comme une sorte d’incubateur,
selon le terme consacré dans l’économie
du Net. Cette drôle de start-up est financée
à 100 % par un investisseur peu commun : la
Société des auteurs compositeurs dramatiques.
La SACD n’est pas connue pour prendre des risques
exagérés. Créée en 1777
par Beaumarchais, elle a pour mission la gestion collective
des droits des auteurs qui en sont les sociétaires.
Blottie dans ses jolis locaux du IXe arrondissement,
entre moulures, tentures cramoisies, fauteuils voluptueux,
et jardin d’hiver, la SACD répartit un
patrimoine plutôt que de prendre des paris sur
l’avenir.
Tout change avec Initial Cut, société
commerciale dont le capital de 250 000 F pourrait
bien s’ouvrir un jour à des actionnaires
privés. De grands groupes français se
sont d’ailleurs déjà enquis des
opportunités d’investissement. Mais pour
l’instant, la SACD préfère poser
les fondements de sa start-up, en toute indépendance.
Elle lui a alloué pour l’an 2000 un budget
de fonctionnement de 800 000 F, afin de solliciter
des expertises externes, et 2,5 millions de francs
pour le financement des projets.
Coproduction et retour sur investissement
La SACD
n’a pas l’intention de devenir l’unique
financier de projets peu coûteux, tels que la
création de sites Web - quand bien même
elle en aurait largement les moyens. Initial Cut privilégie
les coproductions, en général à
hauteur de 10 ou 15 % du financement total du projet.
Philippe Mari, l’autre créateur de la
société, explique ce choix : "D’abord,
on ne veut pas faire concurrence aux éditeurs
du marché. Ensuite, nous avons constaté
que ce dont les auteurs manquent, c’est précisément
le travail sur l’écriture et les concepts.
Nous sommes là pour faciliter cette phase d’amorçage.
Plutôt que de réaliser la énième
version de Lara Croft, les éditeurs seront
ainsi incités à faire du neuf."
Pas commerciale à demi, Initial Cut s’est
dotée d’un business plan solide. Elle
ne restera pas éternellement à la charge
de la SACD, puisqu’elle des bénéfices
sont prévus d’ici trois ans, en incubant
une cinquantaine de projets par an. Elle tirera ses
revenus du retour sur les ventes - en salle,
en DVD, sur le Web, etc. - proportionnellement
à son apport en coproduction. La plus grande
inconnue, maintenant, consiste à savoir si
les bonnes idées seront au rendez-vous...