Essais nucléaires : des ONG relancent le débat sur la contamination des personnels
A l’occasion de l’anniversaire du premier test nucléaire français dans l’atoll de Moruroa,
le 2 juillet 1966, l’ONG Médecins du Monde (MDM),
l’association Moruroa e tatou (Moruroa et
nous) - qui regroupe 1500 anciens travailleurs polynésiens des sites nucléaires de Moruroa
et Fangataufa - et l’Observatoire des armes nucléaires françaises
viennent d’annoncer la création d’une mission
humanitaire et médicale permanente à Papeete, "afin que la France assume ses
responsabilités" à l’égard des anciens travailleurs des sites nucléaires de Polynésie.
Cette annonce intervient une semaine après l’annonce des résultats d’une mission
d’évaluation
effectuée par MDM en Polynésie, qui lui a permis de dresser le bilan de santé de 12 des
4700 travailleurs polynésiens ayant contribué, entre 1966 et 1996, aux 41 essais
nucléaires atmosphériques et 152 essais nucléaires souterrains effectués dans les atolls
de Moruroa et Fangataufa.
L’ONG estime qu’"il ressort des interviews et examens que 25 % des pathologies malignes
touchant ces travailleurs seraient, si l’on se réfère à la législation en vigueur aux
Etats-Unis depuis 1988, imputables à une contamination radioactive du fait de leur
présence sur ces sites".
La "propreté" des essais nucléaires français
Pour le docteur Michel Brugière, directeur général de Médecins du Monde, "si nous étions aux Etats-Unis, trois d’entre eux - et probablement un quatrième après examen complémentaire - auraient leur pathologie reconnue comme ayant un lien avec leur service sur les sites nucléaires. Mais la législation française est inexistante sur ce point".
S’ils sont soignés, "les autorités médicales chargées d’attribuer les pensions au titre
des maladies professionnelles se rangent régulièrement derrière le point de vue du
Service de santé des armées", qui refuse ces pensions "parce que les autorités
militaires affirment que les travailleurs n’étaient pas affectés à des tâches à risques
radiologiques".
Michel Brugière dénonce "l’entêtement et de l’arrogance des autorités françaises qui
restent figées dans la certitude de la propreté des essais nucléaires", alors
que "les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont reconnu les risques de leurs essais".
L’attitude "honteuse" de la France
Le médecin dénonce les "informations biaisées" des rapports dont se sert l’armée pour se disculper et dont on peut trouver des présentations sur le site
internet du ministère de la Défense.
Ainsi, selon Brugière, l’auteur de l’étude épidémiologique effectuée par l’Inserm
conteste lui-même l’utilisation qui en a été faite. Quant à l’enquête de l’Agence internationale de
l’énergie atomique (AIEA), ses conclusions sont, certes, favorables, mais le rapport en
lui-même est "mi-chèvre mi-chou", notant un certain nombre d’incidents et d’accidents.
Pour Médecins du monde, l’attitude de la France est "honteuse", quand elle devrait être "noble et morale" : "C’est un problème de reconnaissance : ces gens-là ont servi les plus hauts intérêts de l’Etat et ont pris des risques considérables, dont on ne les avait pas informés."
L’association "Moruroa et nous" comptant à ce jour 1 500 membres, "s’il y a effectivement entre 20 et 25 % de
cas imputables aux essais nucléaires, cela représenterait entre 300 et 400 malades,
qu’est-ce que ça coûte à la France ?"
D’autant que, selon Michel Bruguière, l’argent n’est pas ce qui manque le plus à la
Polynésie française : elle reçoit environ 150 millions d’euros chaque année de la part
de la France, au point que tous les maires y ont des voitures de fonction et que,
lorsqu’on voit le palais présidentiel, "on a l’impression d’être à la Maison Blanche".
Vers une multiplication des procédures judiciaires
La mission médicale permanente à Papeete permettra d’"évaluer l’état de santé de chaque
ancien travailleur et de soutenir leurs démarches médicales, sociales et juridiques". De
concert avec Moruroa e tatou, Médecins du Monde espère ainsi oeuvrer "pour que la France
reconnaisse que ses essais nucléaires ont eu des répercussions sur l’environnement et la
santé des populations des atolls et îles proches de Moruroa".
A terme, des procédures judiciaires pourraient aussi être intentées contre la France.
L’Association des vétérans des essais nucléaires français (Aven),
initié par l’Observatoire des armes nucléaires françaises et qui réunit 1 700 des 150 000
civils ou militaires ayant participé aux programmes d’essais nucléaires français sur les
sites du Sahara et de Polynésie française, déclarait ainsi, en avril
dernier, vouloir intenter de telles procédures, après les succès obtenus par trois vétérans devant les cours d’appel de Chambéry, Toulon
et Bordeaux.
Président de l’Aven et directeur de recherche à l’Inserm, le docteur Jean-Louis Valatx
rapportait que "l’enquête de santé auprès de nos adhérents révèle que 80 % des membres de
l’Aven sont atteints de nombreuses pathologies, dont 34 % de cancers, alors que le taux
d’incidence du cancer pour une population du même âge, en France, n’est que de 17%".
Médecins du Monde décide une mission humanitaire pour faire reconnaître les droits des anciens travailleurs des sites nucléaires de Polynésie française (Aven):
http://www.aven.org/news/2003/mdm.htm
Retour de mission d’évaluation en Polynésie auprès des travailleurs des sites
d’expérimentations nucléaires de Moruruoa et Fangataufa (Médecins du Monde):
http://www.medecinsdumonde.org/11%2...
Les vétérans des essais nucléaires français décident d?entamer des poursuites judiciaires contre l?Etat
http://www.aven.org/news/2003/cr-ag.htm
Mururoa et Fangataufa - quatre ans après la fin des essais (ministère de la Défense):
[http://www.defense.gouv.fr/actualites/dossier/d60/]
Communiqués de l’Association Moruroa e Tatou:
http://www.dissident-media.org/info...