Ancien maître des lieux de l’incubateur parisien, Laurent Edel s’est rabattu vers le business development.
C’était le 2 mars 2000. Jacques Chirac s’enfonçait sous un porche du XIe arrondissement. Il entrait à Republic Alley, un immeuble qui se voulait LE lieu branché des start-ups, le symbole de la nouvelle économie. Au printemps dernier, une douzaine de jeunes pousses étaient installées dans l’immeuble, partageant, explique Laurent Edel, 31 ans, « un esprit communautaire, c’est-à-dire des rites d’échange d’informations et de relations, le plus spontanément possible et souvent au cours d’événements que nous organisions ». La fun economy en action ? « Je crois juste qu’un climat convivial favorise les contacts d’affaires, dit toujours Edel. Nous invitions donc des investisseurs, des partenaires, des journalistes à nous rencontrer autour de quelques chips, de bouteilles de vin et de gobelets plastiques. » Aujourd’hui, Republic Alley aura plus de mal à faire venir le président de la République. Et Laurent Edel n’est plus patron de l’incubateur.
Rêves d’aventures
Pourtant, Edel n’était pas un nouveau venu dans la nouvelle économie. Ses convictions, il les a acquises au cours d’un long séjour dans la Silicon Valley pour le compte de l’Atelier BNP-Paribas que dirige Jean-Michel Billaut. « Là-bas, j’ai découvert un écosystème fascinant à vivre : l’économie des nouvelles technologies prospérait grâce au soutien du capital-risque et aux échanges d’expériences permanents entre les entrepreneurs », se souvient-il. À son retour, il conseille les sociétés de BNP-Paribas mais, frustré de « [se] sentir fonctionnaire tout en côtoyant des entrepreneurs dont le rythme de vie [le] fascinait », il finit pas quitter l’Atelier. Edel se rêve plutôt en aventurier, plus proche d’un Ferdinand de Lesseps perçant le Canal de Suez que des golden boys du Bûcher des Vanités, qu’il est en train de lire.
En octobre 1999, il fonde donc Nshow, pour organiser des rencontres entre investisseurs et start-ups à la recherche de fonds. Le démarrage est lent, trop lent, alors que, parallèlement, les start-ups installées à Republic Alley se tournent vers lui pour d’autres besoins : infrastructures techniques, relations presse, recrutement… De là naît l’idée d’un incubateur, qu’il concrétise, en avril 2000, avec Charles Madeline et Gilles Labossière. Dans un climat porteur et spéculatif, tout semble simple. Laurent Edel a « l’impression de secouer une France un peu endormie, refusant le progrès technologique ». Il se sent appartenir à une génération de jeunes qui bousculent la hiérarchie. Il est fier d’entendre Jacques Chirac parler de « France qui gagne » lors de sa visite. Aucun doute : on parle de lui.
Un rien parano
Les défaillances du rêve américain made in France et les difficultés de Republic Alley à boucler sa deuxième levée de fonds (un tour de table de 42 millions de francs a finalement été annoncé en janvier 2001) ont ramené Laurent Edel sur terre. « On a peut-être péché par excès d’optimisme et aveuglement. J’apprends aujourd’hui qu’il est compliqué de construire une entreprise », reconnaît-il désormais. « Que la netéconomie soit rentrée dans une phase adulte est une bonne chose », précise-t-il. Mais l’atmosphère de suspicion qui a remplacé l’euphorie l’énerve : « Nous ne volons personne, nous ne faisons que construire des projets. » Un peu parano, il s’inquiète donc de savoir si ce portrait sera gentil ou méchant. « J’ai autour de moi des gens qui en ont marre de servir de boucs émissaires pour expliquer les problèmes de la nouvelle économie. Les entrepreneurs ne sont pas les seuls responsables. On devrait poser plus de questions aux investisseurs qui ont créé la bulle spéculative », justifie-t-il.
À l’heure de la professionnalisation de la netéconomie, Laurent Edel trouve-t-il encore sa place ? Il a cédé son fauteuil de président de Republic Alley, que se partagent Charles Madeline et Gilles Labossière, et se charge désormais du business development. « Je continue de m’amuser en cherchant des partenariats et des débouchés pour les start-ups de l’incubateur », assure-t-il.
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