« Les brevets de logiciels représentent le plus grand danger pour notre liberté »
Richard Stallman est un brillant informaticien, un programmeur d’exception. C’est pourtant un peu par hasard qu’il est devenu le « père fondateur du logiciel libre ». Programmeur système au laboratoire du MIT (Massachusetts Institute of Technology), il s’énerve, un jour, contre une imprimante qui ne fonctionne pas. Xerox refuse de donner le code source, alors que c’était l’usage à l’époque. La nouvelle licence horrifie Stallman. Il décide de monter une communauté et finit par créer, en 1985, la Free Software Fondation, une association à but non lucratif destinée à promouvoir les logiciels libres. Cinq ans plus tard, tout le système GNU existe. Ne manque plus qu’un noyau pour le faire fonctionner. Le sauveur est Linus Storvalds qui, apportant ce noyau manquant à GNU, donne vie au système d’exploitation... Linux est né. Stallman est aujourd’hui le gardien d’un temple pas toujours respecté par d’autres chapelles de l’open source. Mais son action continue, se structure dans le monde, et ne s’arrêtera que lorsque chacun pourra librement programmer. Francophile passionné, il analyse, pour Transfert, le marché du libre dans l’Hexagone.
Qui a été, selon vous, l’acteur fondamental pour le lancement du logiciel libre en France ?
Frédéric Couchet, certainement. Et pour ce qui est des auteurs, même s’il n’est pas question de gloire chez les GNU, mais je pense immédiatement à Jean-Loup Gailly qui a développé l’utilitaire de compression/décompression gzip, devenu fondamental dans le monde Unix.
Comment ressentez-vous l’accueil des Français vis-à-vis du logiciel libre ?
Je trouve que les Français sont visiblement plus disposés que mes compatriotes américains à prendre conscience des enjeux politiques du Free Software. C’est peut-être parce que l’idéologie et les lois mercantiles ne sont pas aussi implantées dans vos esprits. C’est pourquoi je rappelle souvent que le Free Software est compatible avec votre « liberté, égalité, fraternité ». C’est aussi pour cette raison que je pense que le pays inventeur des droits de l’homme doit plus que jamais défendre la liberté d’étudier, de modifier et de redistribuer les logiciels.
Comment définir les missions prioritaires du Free Software pour les années à venir ?
Je crois que notre plus grand défi est d’atteindre l’utilisateur individuel. Le secteur de l’éducation est également primordial. Quant aux entreprises et aux institutions, elles se sont dotées des moyens d’analyse nécessaires pour envisager l’adoption des logiciels libres. Mais parvenir à convaincre les particuliers serait un résultat plus fort.
Arrivé à maturité, le Free Software n’aurait-il pas besoin d’un soupçon de marketing et de communication, ou peut-il s’en passer par essence ?
Je ne peux pas me prononcer en faveur d’une option ou d’une autre, et mon attitude ne se justifie pas par des considérations éthiques. Tant que les gens aiment quelque chose, laissons-les faire. C’est le côté libre de ma philosophie.
De tous les combats à venir, lequel vous mobilise le plus ?
Les brevets de logiciels représentent le plus grand danger pour notre liberté car ils nous empêcheront bientôt de faire notre métier. Toutes les autres difficultés, nous pourrons les surmonter en travaillant dur.