Enfants terribles de l’informatique, ils brandissent Linux et les logiciels libres à la face de Microsoft et des grands éditeurs.
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Linux, le grand phénomène du logiciel libre, est apparu en France au début des années 90. Comme une curiosité, un petit Unix gratuit de plus, rien de spécial. Comme il n’avait pas bonne presse, il est entré par la petite porte, par les serveurs BBS, puis par l’Internet, téléchargé par les étudiants et les chercheurs.
Peu à peu, la communauté française du logiciel libre se développe dans l’espace cyber, mais elle se tisse également sur le terrain, avec les LUG ou GUL (groupes d’utilisateurs) que l’on trouve dans toutes les régions de France. Au niveau national, deux grandes associations vont rapidement se créer : l’APRIL (Association pour la recherche en informatique libre), en 1996 ; et l’AFUL (Association française des utilisateurs de Linux), en 1998. Le logiciel libre gagne du terrain, des installations gratuites de Linux sont organisées lors d’événements, de conférences, mais aussi... de pique-niques. Apparaissent, alors, des boutiques spécialisées et des importateurs de logiciels packagés américains. L’éditeur américain O’Reilly, associé à Eyrolles en France, distribue des ouvrages de référence autour des principaux logiciels et langages de programmation.
Mais ce ne fut qu’avec l’affaire Microsoft et l’engouement des médias qu’il parut nécessaire d’expliquer ce qu’était un logiciel libre : un logiciel gratuit, sans secret de fabrication et librement distribuable.
Libres, gratuits et transparents
Il existe quand même plusieurs façons de développer et de diffuser les logiciels libres : l’école BSD (par exemple, le serveur web Apache) considère qu’un logiciel libre est utilisable sans aucune contrainte, tandis que l’école GPL (par exemple, l’environnement GNU et le noyau Linux) prône la liberté, mais impose aux utilisateurs de rendre libres leurs propres contributions.
Avec son petit pingouin en guise de mascotte, Linux commence, dès la fin des années 90, à venir picorer sur le marché des Unix commerciaux (SCO, Sun, IBM). Ces derniers voient en lui un concurrent dangereux, cassant le marché, cassant les prix (exorbitants) des systèmes, et fonctionnant désormais sur des micros équipés de processeurs Intel, au grand dam des fabricants de stations ou de serveurs. Dans le même temps, Linux s’attaque de front à Windows NT, un système professionnel qui, malgré le marketing musclé de Microsoft, montre des faiblesses techniques, des failles de sécurité et des exigences matérielles très grandes. Windows NT est devenu un sujet de moquerie et un objet de hacking intensif pour la communauté du libre.
Une génération d’avance sur Windows
Linux n’est plus perçu comme un produit pour informaticien. Avec la sortie de la suite bureautique StarOffice, en 1999, et d’autres applications ludiques ou créatives, rendant le système plus sexy et plus multimédia, sa volonté de s’adresser au plus grand nombre s’affiche. Les premiers PC avec Linux pré-installé apparaissent, ainsi que les premiers fanzines et magazines grand public. La première Linux Expo, organisée à Paris, en 1999, marque les esprits : la foule de visiteurs enthousiastes tranche avec la froideur des salons informatiques classiques. Linux ne se contente plus d’arriver, Linux est là, Linux existe. Et Linux a une longueur d’avance. Quand Windows est apparu comme l’interface graphique de MS-DOS, Linux était déjà un vrai système en mode texte. Quand le premier, destiné à l’ordinateur client, s’avérait peu doué pour le réseau, Linux était conçu pour le serveur. C’était déjà un cador du partage, en local ou sur Internet. C’est d’ailleurs avec le boom du Web et la nécessité de défendre des standards qu’il parut encore plus naturel d’adopter Linux, synonyme de serveurs complets et prêts à l’emploi.
Entreprises et administrations
À force de communications, d’actions et d’expériences positives, le logiciel libre finit par sérieusement intéresser les entreprises et reçoit le soutien de l’...tat qui voudrait l’étudier pour équiper l’administration. Car selon Yves Billon, en charge du suivi des politiques budgétaires informatiques des administrations au ministère de l’...conomie, des Finances et de l’Industrie, l’...tat dépenserait près de 300 millions de francs, par an, en licences Microsoft (sans les collectivités locales). Soit 6 % du budget informatique de l’...tat (lequel est en hausse de 800 millions entre 2000 et 2001). Ainsi, Linux et les logiciels libres se sont intégrés dans le paysage des entreprises et des administrations. Reste à convaincre les particuliers, car Linux reste, à ce jour, plus difficile à installer, plus complexe et moins riche en applications. Les nouvelles générations de logiciels et une prise de conscience des clients pourraient pourtant modifier la donne. Faut-il continuer à payer au prix fort en situation d’abondance ? Et continuer à cacher les codes des logiciels en période de transparence ? Non, répondent en chœur les « hommes du libre ». Nous vous les présentons. Ils sont ceux qui ont fait grandir la liberté informatique, en France.