Peter Bradshaw, 36 ans, directeur de l’équipe européenne d’analystes de la banque d’affaires Merrill Lynch, est l’un des meilleurs spécialistes du Net en Europe.
Pouvez-vous expliquer concrètement en quoi consiste votre métier ?
Mon métier consiste avant tout à rédiger des études sur des entreprises de l’Internet. Je rencontre des dirigeants de sociétés, je les interroge pendant une heure ou deux. J’arrive avec mes petites questions. Lorsque je rentre au bureau, je rédige une note de synthèse dans laquelle j’explique : 1- si c’est une bonne entreprise, 2- si son action est à un prix d’achat. Par ailleurs, j’interviens dans les conférences de Merrill Lynch. J’y explique aux professionnels ma vision de l’Internet. Enfin, je rédige des notes de synthèse sur les sociétés qui s’introduisent en bourse avec Merrill Lynch. En fait, les jours ordinaires, je me lève à 5 h 20. J’attrape le train de 6 heures, prends la parole à la réunion du matin à 7 h 20, ensuite je rédige mes synthèses et rencontre des responsables d’entreprises. L’après-midi, je discute avec mes collègues américains qui m’informent de ce qui se passe là-bas. Je quitte le travail vers 19 heures pour retrouver mes trois enfants. Nous dînons à 20 heures et à 20 h 30 je branche mon ordinateur et travaille jusqu’à 23 heures. Je peux vraiment dire que je n’ai pas de vie en dehors du travail !
Henry Blodget, votre confrère américain, vient d’être élu meilleur analyste Internet (*) par le magazine Institutional Investor. Que signifie ce classement ?
Avant tout, ce qu’on ne voit pas, c’est la quantité de travail considérable qu’il faut fournir pour arriver à ce niveau. Cela semble facile, mais il faut énormément d’expérience. Henry est à la fois une personne charmante et un analyste capable d’expliquer simplement les enjeux du monde si complexe des nouvelles technologies. Enfin, il sait donner les bons conseils, à l’image de cette recommandation phénoménale qu’il avait faite, il y a deux ans, sur l’action Amazon.
D’où les grands analystes tiennent-ils leur légitimité ?
Elle vient du marché : les patrons pensent que vous êtes intelligent et se le disent entre eux. Elle vient des investisseurs qui constatent que vous donnez de bons conseils et que vous avez de bons contacts au sein des entreprises du secteur internet. Et elle vient de vos pairs. En fait, notre légitimité vient d’une combinaison de ces trois facteurs.
Comment un analyste peut-il décréter qu’un business plan est meilleur qu’un autre, quand les chefs d’entreprises de la nouvelle économie eux-mêmes, ne savent pas toujours où ils vont ?
Quand vous décortiquez des centaines de business plans et que vous connaissez la dynamique du Net, alors vous êtes au moins capable de savoir ce qui va marcher ou pas. Sur 100 entreprises, 90 sont appelées à péricliter. Et sur les dix restantes, deux seulement généreront des retours sur investissement considérables. Si vous fréquentez depuis quatre ou cinq ans un secteur particulier, alors vous êtes parfaitement capable de savoir ce qui va marcher ou pas.
(*) Catégories commerce électronique
et nouveaux médias.