Fin juillet, le salon Webzine 2001 réunissait, à New York, les éditeurs de contenu en ligne indépendant : webziners, graphistes engagés, auteurs de journal intime, journalistes... Tous clament leur liberté d’expression et leur grande indépendance.
« Il n’y a pas de business model qui marche sur le Net. Les gens qui restent sont essentiellement intéressés par la seule publication d’informations. C’est le retour du Web indépendant. » Avec cette déclaration, Libe Goad, éditeur de Gamegal.com, a donné le ton de Webzine 2001. Cette manifestation réunissait la plupart des éditeurs de sites à contenu indépendant, à New York, fin juillet. Il y avait là des webzines spécialisés dans l’information économico-financière, des graphistes web engagés, des sites dédiés à la musique, à l’art ou à l’écriture, des journaux intimes à l’intérêt relatif, des maisons d’édition alternatives comme Softskull, des serveurs gentiment érotico-cul. Le tout mixé dans une ambiance « intellectuels du Web libre, en guerre contre le mauvais contenu sur le Net ». Intérêt garanti.
Schizophrénie
Mais la tendance était quand même au flip. La plupart des webziners présents travaillent dans le secteur des nouvelles technologies et ont connu le chômage ces derniers temps. Ils ont tiré un trait sur les derniers espoirs, avoués ou non, de rentabiliser leur site perso. Mais ils sont toujours là, en ligne, avec un contenu indépendant, souvent riche, parfois nombriliste. « Le Web indépendant était là avant la folie du Nasdaq et il est toujours là après », souligne Douglas Rushkoff, de Ruskoff.com. Personne ne veut mettre un terme à l’aventure. Car sur leurs webzines, les éditeurs sont libres de « publier n’importe quoi, sans que personne ne dicte ce qu’il faut écrire ». Ce qui n’est pas toujours le cas dans leur job quotidien. Notamment pour les quelques journalistes présents, qui donnent libre cours à leur schizophrénie, en publiant des papiers « classiques » le jour et des papiers un peu plus délirants la nuit.
Gros fainéants de la presse classique
Mais la majorité des éditeurs de webzines ne sont pas reporters. Ils travaillent dans des start-ups, font du webdesign ou de la programmation et... ont tous une dent contre les soi-disant professionnels de l’information. « Les journalistes de la presse classique sont de gros fainéants », lance un intervenant quand on évoque les relations des webzineurs avec la presse. « Ils viennent nous lire. On les voit dans les logs. Mais n’attendez pas un commentaire de leur part dans les forums liés à nos papiers. Pourquoi ne postent-ils pas quelques idées comme tout le monde ? », interroge Bill Lessard, de Netslaves.com. « Les médias se suivent comme des poissons en banc et nous, on est hors du banc », poursuit-il pour expliquer le succès de son site. Bill Bastone, l’animateur de Thesmokinggun.com, journaliste lui-même, se lâche : « Les reporters traditionnels devraient avouer qu’ils ne sont pas objectifs, ce serait intellectuellement plus honnête. » Certains, parmi les éditeurs de webzines dédiés à l’investigation dans le domaine économique et financier, vont plus loin : « Maintenant, les journalistes sont contents. Ils ont trouvé une nouvelle technique : pour publier des infos dont ils disposent, mais qui leur semblent trop brûlantes, ils renvoient à nos sites, en disant que c’est nous qui les avons diffusées les premiers. C’est comme une excuse pour ne pas se faire taper sur les doigts tout en passant quand même l’enquête. »
Peu de webzineurs ont la bonne foi de reconnaître l’impact de la presse classique dans leur ascension médiatique. Fuckedcompanies ou Netslaves, par exemple, ont pourtant fait l’objet de nombreux articles dans les journaux tout ce qu’il y a de plus classiques... Les éditeurs préfèrent donner dans l’optimisme. Quelle satisfaction d’avoir pu tisser une vraie relation avec les lecteurs, disent-ils. « Je fais un site d’édition de poésie. Le jour où j’ai reçu un texte en provenance d’Indonésie, je me suis dit... waou ! », raconte, l’œil brillant, Cezanne Huq, de Virtualurth.com.