PaPeRo, le petit bonhomme à roulettes de NEC, est ce qui se fait de mieux en matière de robot de compagnie. Pratique mais aussi blagueur. Visite dans les labos du constructeur.
Le hall d’accueil, meublé à l’occidentale, se veut résolument chaleureux. Rien, de près ou de loin, qui puisse rappeler l’identité technologique de l’entreprise hébergée en ces lieux. Dans un coin, un salon en cuir brun permet aux visiteurs de patienter confortablement. Un magnifique aquarium est censé apporter une part de rêve. On aperçoit de superbes poissons exotiques. Alors, bien sûr, on s’approche pour observer de plus près le menu fretin de toutes les couleurs... Incroyable. Les poissons n’existent pas. Tout est virtuel. En très haute définition, mais virtuel. Nous sommes à l’Incubation Center, le centre de recherche du géant de l’informatique NEC, dans un quartier tranquille de la ville industrielle de Kawasaki. Et nous avons rendez-vous avec un robot qui parle. C’est pourtant un humain, Yoshihiro Fujita, project manager, qui nous accueille tout d’abord. Le costume gris strict, pas très souriant, il manifeste tout juste un semblant d’étonnement : nous sommes les premiers Français à lui rendre visite. Après les traditionnels échanges de cartes de visite et remerciements, il nous conduit vers un salon sans âme. Alors que nous attendons LA démonstration, Yoshihiro Fujita nous récite sa plaquette de présentation. Trois autres journalistes, tous japonais, nous accompagnent, visiblement aussi impatients que nous de voir la machine.
Bruits et paroles
Soudain, la star apparaît... Physiquement, elle n’est pas franchement sexy : une forme ovoïde, à mi-chemin entre l’aspirateur et l’autocuiseur. Le fils (ou la fille ?) caché de R2D2, le robot de la Guerre des ...toiles. Avec un nom presque aussi ridicule : PaPeRo, abréviation japonaise de « Partner Personal Robot ». PaPeRo... Un surnom un peu infantile, dû à l’habitude japonaise de composer des diminutifs de deux ou trois syllabes pour aller plus vite. PaPeRo, donc, était précédemment connu sous l’appellation R100. Il n’a ni perdu ni gagné dans son changement de nom. Il n’a pas, non plus, amélioré ses qualités de déplacement : d’emblée, à voir ses roulettes motorisées, on comprend que le mouvement n’est pas son fort. PaPeRo n’est pas près de savoir marcher... Mais il a, nous jure l’ingénieur, d’autres qualités. Notre démonstrateur tente de le prouver en appelant de vive voix le robot. Pari réussi. PaPeRo allume ses « oreilles » : une lumière verte clignote pour signifier qu’il a compris le message. Il se retourne alors, et file droit vers le jeune homme. Arrivé devant lui, il lève la tête, « scanne » son interlocuteur, le salue d’une voix enfantine et numérique puis entame la conversation. Des mots simples, entrecoupés de nombreuses onomatopées électroniques, sortent de sa « bouche » avec rapidité. Pas mal ! PaPeRo n’est certes pas encore suffisamment au point pour se retrouver dans les rayons des magasins, mais il est, d’ores et déjà, capable de reconnaître 650 mots et d’en prononcer plus de 3 000.
On comprend pourquoi NEC n’hésite plus à le qualifier de véritable « compagnon » électronique. C’est de loin le robot le plus intelligent et le plus interactif actuellement sur le marché. Grâce à ses yeux-caméras et à la mémoire dont il est doté, il est capable de reconnaître jusqu’à dix visages différents, mais aussi d’identifier les voix qui y correspondent. Ses fonctions communicantes garantissent son intégration dans un environnement domestique. Il est capable de se déplacer seul, d’éviter un obstacle et de s’adapter à tout nouveau lieu où il est déposé. Mais PaPeRo est surtout capable de dialoguer avec l’être humain et c’est là sa véritable prouesse. Ce jour-là, dans les labos de NEC, Yoshihiro Fujita se fait interroger par PaPeRo. Le visage du jeune homme n’a pas encore été mémorisé par l’appareil qui s’applique à l’identifier. Mais, en fait d’interrogatoire, le robot lui balance juste des blagues plutôt osées. L’assistance est tour à tour médusée, morte de rire et finalement... conquise.
Un ordinateur vivant
On comprend mieux pourquoi NEC n’a pas gaspillé ses efforts sur une tentative (complexe) de reproduction des mouvements humains : ce petit engin de 40 cm pour 5 kg, doué d’une autonomie exemplaire de trois heures, est amplement suffisant pour séduire l’utilisateur, que ce soit pour lui proposer de nombreuses fonctions pratiques, comme pour seulement l’amuser et le faire rire. L’un des programmes dont est équipé PaPeRo lui permet ainsi de se balader tout seul (sans avoir été appelé) et d’aller parler directement aux personnes dont il a détecté la présence. La simulation d’un véritable « personnage vivant » a été poussée très loin. Ainsi, lorsque gêné par ses bavardages électroniques qui commencent à couvrir son discours de démonstrateur, Yoshihiro Fujita lui demande de baisser la voix, le robot lui tourne le dos, faisant mine de bouder ! Pour se réconcilier avec lui, l’ingénieur est obligé de lui caresser la tête, comme à un chien. Ses différents capteurs sont capables de faire la différence entre une caresse et une tape hostile...
Pour les techniciens de NEC, le problème majeur de ce robot provient essentiellement de... son utilisateur. Qui a encore du mal à saisir les véritables limites de « l’intelligence » de l’appareil. D’un côté, PaPeRo semble très malin. Lorsque vous vous adressez à lui (en japonais), il a tendance à fournir des réponses qu’on n’attend pas de la part d’une machine : il s’inquiète de votre humeur, vous fait sourire avec des réponses différentes à chaque fois et vous demande si vous voulez regarder l’émission de télévision que vous lui avez demandée d’enregistrer ou bien envoyer un vidéo mail à l’un des membres de votre famille. Et si vous lui demandez de danser, il ne se démonte pas. Il répond spontanément « d’accord » et se met à virevolter en musique comme une toupie, en faisant clignoter toutes ses diodes pendant 30 secondes...
Mais la perspicacité de la machine peut tourner court tout aussi rapidement. Au moment le plus inattendu. Au détour d’un échange verbal très simple, elle se trouve en manque de vocabulaire et, naturellement, se bloque. Les ingénieurs travaillent encore pour éviter ce type de problèmes et affirment que la qualité des programmes installés s’améliore de jour en jour...
Ils œuvrent également à améliorer les performances de la plate-forme informatique utilisée par PaPeRo : son architecture relativement ouverte permet, d’ores et déjà, d’adapter des logiciels existants et de transformer, par exemple, l’engin en juke-box musical. Et son interaction avec les appareils multimédias et audiovisuels pourrait également transformer cet appareil en une sorte de télécommande futuriste aux capacités inépuisables. Un véritable ordinateur individuel « vivant » et à roulettes.
Humour et insolence
Les entrailles du robot ont été particulièrement soignées. Elles sont semblables à celles d’un ordinateur portable grand public : un processeur Celeron 500 sous Windows 98. Autour de cette architecture, les ingénieurs de NEC ont conçu, intégré et adapté de nombreux capteurs, directement branchés sur les ports USB de l’unité centrale. Ses fonctionnalités le rapprochent également de ce que l’on attend d’un PC. Chaque utilisateur peut ainsi, sur le principe des sites favoris d’un navigateur web, se faire lire de vive voix (ou visionner sur une télévision) les sites d’informations qu’il a l’habitude de consulter. Quand Yoshihiro Fujita s’enquiert du temps qu’il fera aujourd’hui, la réponse ne tarde pas : PaPeRo se connecte sur un site météo et, tout en distillant des petits effets sonores, donne l’info souhaitée. Une trentaine d’exemplaires de PaPeRo vont être prochainement livrés chez des développeurs « maison » ou dans des laboratoires d’universités afin de peaufiner son éducation. Même si aucune date de commercialisation ne peut être donnée, NEC paraît être la société la plus avancée sur l’idée que l’on peut se faire d’un robot de compagnie. D’autant que PaPeRo pourrait bien devenir une star. Un journaliste d’une station de télévision japonaise, fasciné par le potentiel médiatique du robot, a déjà négocié un prêt pour une émission de divertissement : il compte inviter des starlettes dont le profil serait pré-enregistré dans la mémoire du robot afin qu’il puisse (en direct) donner toute la mesure de son humour et de son insolence à leur égard... Sans jamais se départir de son incroyable politesse. D’ailleurs, quand nous sommes partis, une petite voix électronique disait littéralement « bye bye, A + ». Puis PaPeRo s’est éteint.•