Les call-centers des grandes sociétés américaines sont de plus en plus souvent implantés à Bengalore. Mission des téléphonistes indiennes : jouer l’identité américaine jusqu’à l’hyperréalisme.
" Bonjour, je suis Betty Coulter et je vous appelle parce que j’ai une offre exceptionnelle à vous faire. Je vais vous proposer une carte de crédit à un taux très bas de 2,9 %, accompagnée d’une ribambelle de cadeaux gratuits. " Dans sa version originale- en anglais américain -, cette phrase made in call center ouvre un article de Wired. Vous essayez de mettre fin à la conversation, poursuit l’auteur de l’article, mais Betty Coulter continue à parler sans prendre la moindre pause de respiration. Vous essayez de situer son accent. Iowa ? Non, les " a " sont trop plats. Californie ? Ou, peut-être, un centre d’appel surpeuplé, implanté dans un quelconque technoparc de Kansas City.
Mais Betty appelle de Bangalore, en Inde. Son vrai nom est Savita Balasubramanyan. Elle se trouve bien dans un bureau surpeuplé, mais pour elle il est aux alentours de minuit. Et son accent américain impeccable est le résultat d’un entraînement rigoureux et d’une accoutumance aux séries télé façon Ally McBeal vivement encouragée par sa direction.
On leur enseigne les rudiments du base-ball
Betty travaille pour l’une de ces entreprises s’épanouissant autour de Bangalore depuis un an et qui assurent, pour le compte de sociétés américaines les relations-clients par téléphone et par e-mail, l’analyse de données, le chat et le télémarketing. Pour ce type de job, le cahier des charges est simple : avoir achevé ses études secondaires, posséder une petite expérience des métiers de service et bien sûr, parler anglais. Mais l’anglais de Gandhi n’est pas celui de Shakespeare, et encore moins celui de Dan Rather. L’un des critères de l’embauche, c’est donc la capacité de neutraliser ou non l’accent de la candidate. Celle-ci va se familiariser avec le phrasé du Nouveau-Monde, plonger dans les profondeurs de Friends, de Ally McBeal et de MTV. La géographie des états de l’Union ne sera pas oubliée. On lui enseignera les rudiments du baseball, du basket, du football américain. Cette micro-culture n’a qu’un seul but : éviter le blanc à l’antenne. Garantir un brin de conversation à l’interlocuteur, le temps que la réponse à une question, un élément de son dossier, apparaisse sur l’écran de l’ordinateur... Pour leur formation culturelle - quatre à six semaines - les futures Karen, Peggy ou Audrey sont encadrées par des moniteurs, expatriés des Etats-Unis ou Indiens y ayant vécu. Leur nom d’emprunt, justement, elles le choisiront elles-mêmes.
La demande pour de telles employées est forte et en augmentation. 247customer.com, la société qui emploie Betty, a effectué 155 recrutements durant le mois de mai, et s’attend à embaucher de 50 à 100 nouvelles employées jusqu’à la fin de cette année. L’échelle des besoins a même suscité la création à Bangalore d’une école de formation spécialisée, le Call Center College. " Maintenant, je possède bien mon accent, dit Betty. Mais comme je l’utilise neuf heures par jour, j’ai parfois du mal à retrouver ma façon normale de parler... " Et que se passe-t-il, si l’interlocuteur pressent le lieu d’origine du coup de fil ? " Nous racontons que l’un de nos parents est indien, mais que nous avons grandi aux Etats-Unis et que c’est de là que nous appelons. "
http://www.wired.com/news/culture/0,1284,44382,00.html
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