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27/06/2001 • 13h04

Pour ou contre Internet ?

archmag15
Lieu d’expression exceptionnel ou capharnaüm sans foi ni loi ? ...change de points de vue autour d’Internet entre le philosophe pessimiste Alain Finkielkraut et la confiante Mona Chollet, journaliste à Charlie Hebdo. En garde !

Alain Finkielkraut, vous avouez, au début de votre livre, que vous ne surfez pas beaucoup. Peut-on écrire sur l’Internet sans bien le connaître ?

Alain Finkelkraut. On dirait que la technique est aujourd’hui notre ultime fétichisme. Quand on me lance : « Vous ne savez pas de quoi vous parlez », on me reproche en fait de ne pas adhérer à cette espèce de religion de la technologie. En effet, elle n’est pas la mienne. Cependant, j’ai été amené à aller sur Internet après avoir été invité, par les responsables de la Fondation du 22 mars, à donner une conférence [dont le texte retravaillé a débouché sur Internet, l’inquiétante extase, NDLR]. Ils m’ont dit : « Il faut savoir de quoi on parle. » J’ai passé en leur compagnie un après-midi à naviguer. Depuis, un ordinateur s’est introduit chez moi... J’ai un enfant de 12 ans qui joue aux jeux vidéo. Et j’ai même commandé des livres sur Internet.

Vous affirmez que la présence du négationnisme sur Internet n’est pas un accident de l’Histoire. Que voulez-vous dire ?

A.F. Pourquoi associe-t-on si souvent l’Internet et Mai 68 ? Parce que sur le Web, il est également « interdit d’interdire » : c’est le lieu de la démocratie totale, où tous les discours sont possibles. Sur Internet, aucune sélection ne doit empêcher les discours de se produire et de se répandre. Or, si l’on considère que tous les discours sont égaux, il faut suspendre la différence entre le vrai et le faux : pas du point de vue de l’idéologie, mais de celui des faits. Le négationnisme n’est pas une idéologie. C’est un mensonge sur les faits. Mona Chollet. Cette fixation sur le négationnisme me gêne. Au nom de la volonté de faire taire ces discours, pourquoi se priver de tout ce qu’on pourrait saisir en termes de progrès ? On s’obnubile sur une chose très marginale. Aujourd’hui, les nazis créent un site comme autrefois ils imprimaient un bulletin de liaison sur papier. Je me souviens d’une époque où Le Pen et Mégret passaient régulièrement à la télévision, aux heures de grande écoute. Ça faisait des ravages bien plus considérables, mais je ne me souviens pas qu’on ait accusé la télé d’être intrinsèquement le vecteur d’idées nauséabondes. Ne serait-ce pas parce qu’elle est le moyen de domination d’une petite classe sur l’ensemble de la population ? La télé possède une influence qu’on ne peut retrouver sur Internet, dont l’audience est bien plus fragmentée. Je pense que certains se disent : on peut impunément vouer Internet aux gémonies, ce média n’a aucune emprise sur les citoyens.

Pour vous, Mona Chollet, il n’y a aucun risque que la parole des sites négationnistes se confonde à celle des sites « respectables » ?

M.C. Sur l’Internet, par le jeu des liens, une hiérarchie se reconstitue d’elle-même, automatiquement. On imagine que l’internaute est entendu de toute la planète. Ce n’est pas vrai. Je ne crois pas à l’utopie de la Terre entière parlant à la Terre entière. Sur le Web, les gens communiquent entre eux. Mais ils n’auront jamais accès à tout ce qui se dit. A.F. C’est l’un des paradoxes que je pointe : Internet, c’est la fin du monde commun. Vous y voyez se croiser des gens qui partagent les mêmes marottes. À l’avenir, Internet vous permettra de vous détourner des informations personnellement gênantes, de celles qui brutalisent vos convictions, et d’aller partager vos certitudes avec ceux dont vous serez persuadés qu’ils pensent comme vous. M.C. Je pense que la notion de fin du monde partagé est un cliché. Personnellement, j’ai rencontré sur l’Internet des gens venus d’horizons culturels et sociaux très différents. Nous avons souvent eu entre nous de violents conflits. Il faut arrêter de penser que c’était mieux avant ! Les relations sociales, c’est quoi ? Les collègues de bureau, quelques amis qu’on a pu garder, la famille. Rien de bien satisfaisant. Le fait de pouvoir rencontrer d’autres gens sur d’autres bases est un vrai enrichissement. A.F. Pour ses partisans, l’Internet serait un recours contre le « filtrage » abusif de l’information. Je crois au contraire qu’il sera un recours contre les vérités qu’on ne veut pas voir. M.C. Mais les autres médias ne sont pas non plus la vérité ! Ce serait d’ailleurs encore pire s’il existait un discours médiatique faisant autorité de façon absolue, ne souffrant aucune remise en cause, alors qu’il ne décrit en toute partialité qu’une fraction infime de la réalité. Le Web est un espace de liberté, il y en a assez peu aujourd’hui. Mais vous, vous êtes partisan d’un rétablissement de la hiérarchie sur Internet. A.F. Non, je ne sais pas ce qu’il faut faire sur Internet ! Je ne dis pas qu’il faut revenir à un système hiérarchique ou esclavagiste. Je me borne à prévenir : la démocratie aussi peut produire sa propre pathologie.

Mona Chollet, vous ne croyez pas au rôle bénéfique des intermédiaires entre les penseurs et le public : les intellectuels ou les journalistes ?

M.C. Si, j’y crois. Je n’aimerais pas lire un journal d’où ces médiateurs seraient absents, ou un livre qui n’aurait pas été à la fois pensé par un auteur et par un éditeur. Mais il est intéressant qu’existe en parallèle un espace d’où ces médiations disparaissent, et où chacun peut aller se faire son idée personnelle. Il y a sans doute un savoir-faire à acquérir pour bien chercher sur Internet, mais ça ne le disqualifie pas.

Alain Finkielkraut, l’Internet peut-il résoudre les inégalités d’accès à l’information ?

A.F. On parle d’une révolution de l’information. On dit, vous passez de la rareté à l’abondance. C’est faux. On passe de la surabondance à la sur-surabondance. Internet n’est pas le remède au trop peu : nous sommes déjà dans le trop. La question est de savoir, aujourd’hui, ce qui nous manque. Certainement pas l’information. Mais on ne fait pas attention au monde dans lequel on vit. On ne le regarde pas. On ne s’en occupe pas. Et plus on insiste sur l’expression dans le virtuel, plus on se détourne du réel. C’est dans ce cadre que je me dis que l’Internet, au lieu de les améliorer, va aggraver les choses. Ce n’est pas sur l’Internet qu’on peut se souvenir que les vaches sont des vaches. Qu’il faut faire attention aux vaches et ne pas les traiter n’importe comment. Pour en passer par là, il faut se promener, et parfois même recourir à la littérature, qui nous met en contact avec le réel. Si l’on se limite à l’expression de soi, cela donne les sites avec webcam, dont les auteurs répètent toute la journée : je m’exprime, je me montre, je suis, je suis. M.C. Il y a une différence fondamentale entre vous et moi, Alain Finkielkraut : vous, vous n’avez pas besoin du Net pour être entendu. Si vous avez quelque chose à dire, vous publiez une tribune dans un quotidien national ou vous écrivez un livre. Mais pour la plupart des citoyens, c’est la première fois qu’il existe un moyen de s’exprimer aussi largement, sans contrainte de rentabilité, de distribution, de coût, d’espace. A.F. Votre critique vise en moi l’intellectuel qui s’exprimerait quand il le réclame, et mépriserait ceux qui briguent ce pouvoir. Je serais l’aristocrate, refusant qu’Internet entraîne l’abolition de son privilège de parole. Les élites qui parlent parce qu’elles en ont le pouvoir sentiraient que celui-ci va soudain leur échapper... Mais j’appartiens à un monde où il y a encore une place pour ce que vous appelez les « médiateurs », pour les hommes, pour les livres. Mais si mes livres sont mis sur l’Internet, je n’en souffrirai pas. Et le Réseau offre aux auteurs de grandes gratifications : leur notoriété va s’y retrouver. Pour ma part, je résiste à la tentation de demander à mon fils combien de fois mon nom apparaît sur le moteur de recherche Google...

Vous ne croyez donc pas à l’hostilité des élites culturelles envers l’Internet ?

A.F. Une telle hostilité n’existe pas ! Les élites se branchent, elles nous invitent à les imiter, et traitent de ringards ceux qui ne le font pas. Le discours critique que j’ai entendu jusqu’ici vise à nous faire prendre conscience de la menace d’une surveillance électronique générale. C’est face à la carence d’une autre critique que j’ai osé m’exprimer. Et croyez-moi : je me sens vraiment très seul. M.C. Les élites ne sont hostiles qu’à certains usages de l’Internet. Elles nous incitent à nous brancher pour reproduire des états de passivité, pour consommer bêtement, pour nous servir de l’Internet comme d’une télévision. Avez-vous vu dans la presse le moindre article clamant : « Vous pouvez enfin vous exprimer, ainsi que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen vous en donne le droit. Alors, allez-y ! » A.F. L’Internet est conçu par ses militants comme une arme de guerre anti-élitiste. Mais au sein d’une société, qu’a donc de bien la haine des élites ? Celle des élites arbitraires, à la rigueur... Mais où va donc une société qui n’a pas pour vocation de protéger ses élites ? L’horizon de la fin des élites, c’est la barbarie.

Alain Finkielkraut, l’école tient une place importante dans votre ouvrage.

A.F. Je suis en effet frappé par l’extraordinaire popularité de l’Internet à l’école. Aucun ministre de l’...ducation ayant sa raison ne peut s’élever contre Internet. À l’école, on ne veut plus enseigner la littérature classiquement. J’évoque un ouvrage de Michel Albertganti (1) expliquant comment, dans dix ans, un professeur épris de Rimbaud et voulant transmettre sa passion à ses élèves ne leur remettra plus des photocopies de poèmes. Désormais, dans un tel cours, il s’agira de demander aux élèves de glaner des informations très diversifiées sur l’auteur, et de se transformer en reporters des divers épisodes de sa vie. Au bout du compte, les élèves seront devenus eux-mêmes des auteurs. Ils écriront un poème inspiré du Dormeur du Val, réduit à la dimension du drame d’un jeune soumis à la violence ! M.C. Sur l’école, je pense que nous sommes d’accord : on n’a jamais fait mieux qu’un enseignant pour éduquer des enfants. Néanmoins, je suis personnellement ravie d’être sortie de l’école, et de ne plus avoir à me mettre à la disposition d’un tiers qui vous transmet ses connaissances ! J’ai souffert de ce statut d’éponge passive. L’éducation peut difficilement se passer de la directivité, mais combien de professeurs sont dignes d’assumer cette directivité ? Combien d’enseignants rasoirs m’ont si mal parlé d’œuvres, que je suis passée à côté de ces dernières ?

Vous semblez diverger sur la nécessité de l’interactivité par rapport aux œuvres et aux auteurs...

A.F. Avec le Web, on nous dit : voici le nouvel âge des Lumières, fini la passivité de la télévision ! Selon moi, l’erreur est grave : l’apprentissage des choses fondamentales et élémentaires se fait nécessairement dans une certaine passivité. Lisant un livre, on peut sauter des pages, mais l’on sent bien que ce n’est pas la chose à faire. Lire un livre n’est pas un acte de communication. C’est un acte de réceptivité. Vous vous mettez en état de disponibilité à l’égard de quelqu’un. Vous le suivez en vous promettant de ne pas l’interrompre, de ne pas le réfuter, de ne pas entrer tout de suite en discussion avec lui. De toute façon vous ne pouvez pas : l’auteur n’est pas là. M.C. Un livre peut se refermer, si on le veut. On peut considérer qu’il est ennuyeux, ou bien lui laisser sa chance durant quelques pages. Croyez-vous que l’attitude soit fonction du support ? A.F. Le support n’est pas neutre. Certes, on peut annoter le livre, et même le déchirer, le jeter, le profaner. N’empêche qu’il y avait dans le livre quelque chose de sacré. Une aura. M.C. Pourquoi « il y avait » ? A.F. Parce qu’avec le changement de support, on entre dans un autre âge. C’en est fini de la Lecture avec un grand « L ». Maintenant, on lit ce qu’on veut, comme on veut, avec une espèce de décontraction, de désinvolture. La lecture sur écran en est le symbole. M.C. Bizarre notion ! Pour moi, l’écran ne remplacera sûrement pas le livre. Ils n’ont pas le même usage. Aucun ne conditionne un respect plus grand que l’autre. A.F. Vous êtes en retrait sur vos thèses : dans votre livre, vous écrivez qu’avec Internet, l’auteur descend de son piédestal puisqu’il peut être contesté et réfuté en permanence. M.C. Critiquer l’auteur n’implique pas qu’on cesse de le respecter. Mais il est bien que les gens se délient l’esprit. Qu’ils puissent décider de donner ou non leur respect, selon des critères peut-être plus authentiques que ceux du respect dû à celui qui écrit dans un livre ou un journal. Que l’on échappe au classique « c’est vrai parce que la télé, un livre, le journal le disent » n’est pas une mauvaise chose. A.F. La culture ne relève pas de la démocratie. Pour qu’une démocratie soit vivable, elle doit se souvenir que tout ne relève pas de la démocratie dans une démocratie. Si tout est démocratique dans une démocratie, on est mort.

(1) À l’école des robots, éd. Calmann-Lévy

 
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