La fondation Guggenheim de New York vient d’acquérir deux œuvres virtuelles, conçues pour le Net. Cette initiative suppose une vraie réflexion sur la conservation et le statut de ces œuvres " éphémères ".
" Net.flag " de Mark Napier et " Unfolding Object " de John F. Simon Jr, viennet d’intégrer la collection permanente de la fondation. Guggenheim à New York. Ce sont pourtant deux œuvres d’un nouveau genre : elles sont conçues pour Internet. On peut les voir dans une section spéciale du
site web de la fondation.
Jon Ippolito, un administrateur de la fondation Guggenheim explique : " l’objectif est de prouver notre volonté de sauvegarder ces formes d’expression culturelles pour l’avenir, et également de donner l’exemple sur une méthode possible pour les conserver. "
L’acquisition de ce type de création, développée sur Internet, n’est pas encore une démarche usuelle pour les musées. Dteve Dietz, administrateur au Walter Art Center à Minneapolis ajoute : " Ce que le Guggenheim vient de décider devrait servir d’exemple à toutes les institutions d’art contemporain : considérer le Net art comme toutes les autres formes d’art de leurs collections."
Comment conserver une œuvre virtuelle ?
Pour un musée qui se doit de collectionner, exposer et conserver l’art, les œuvres en ligne pose toutes sortes de nouveaux problèmes. Comment réunir des œuvres d’art qui existent partout (ou nulle part), dans le cyberespace ? Comment faire l’acquisition d’un objet qui n’est pas tangible ? Les artistes ont conçu deux nouvelles œuvres, mais ce qu’ils ont créé ce sont des codes informatiques : ils ont déterminé les règles d’un logiciel pour qu’apparaisse à l’écran ce qu’ils ont imaginé. Mais combien un musée paye-t-il pour une œuvre en ligne et comment se la procure-t-il ? Si M. Ippolito ne veut pas révéler combien le Guggenheim a dépensé, une personne de son entourage évoque un montant de 10 000 à 15 000 Dollars pour chaque œuvre. En retour, le musée reçoit les codes informatiques de l’œuvre et le droit exclusif de l’exposer.
Penser à la restauration
Le Guggenheim a également dégagé un fond spécial, " Variable Media Endowment " pour subvenir à la restauration future des œuvres. Cette initiative est la plus importante du musée dans son intention de soutenir les artistes qui travaillent sur des supports éphémères, incluant la vidéo et les installations. Si une peinture peut avoir besoin d’un rafraîchissement occasionnel, la base informatique d’une œuvre virtuelle peut, elle, demander une révision totale. Une pièce qui tourne sur les navigateurs actuels risque de planter sur les futures versions, et encore, en comptant sur le fait qu’il y aura toujours des navigateurs dans 10 ou 20 ans !
Les œuvres de Mark Napier et de John F. Simon Jr seront aussi sauvegardées quotidiennement sur des ordinateurs du Guggenheim, à Manhattan, et à Seattle. Evoquant les effets catastrophiques du 11 septembre sur le parc informatique de la fondation, Jon Ippolito explique " Je ne peux pas laisser l’avenir de ces œuvres dépendre des caprices d’une simple coupure de courant< :/i> "
L’intégration du numérique, peu à peu
Les acquisitions de " Net.flag " et " Unfolding Object " sont les vestiges d’un plan ambitieux conçu en 2000 par Thomas Krens, le directeur du Guggenheim, qui comptait faire une commande de 20 œuvres en ligne pour son musée. Mais à la suite de soucis financiers du musée, ce plan a été revu à la baisse. Les projets de boutique en ligne et d’une salle virtuelle " Guggenheim Virtual Museum " ont été complètement abandonnés.